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Guerres de Yougoslavie : comment l’Europe s’est embrasée dans les années 90 image

Guerres de Yougoslavie : comment l’Europe s’est embrasée dans les années 90

Destination Est
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105 Plays24 days ago

Dans ce nouveau documentaire, je vous propose de découvrir toute l’histoire des guerres de Yougoslavie de 1991 à 1995.

Comment un pays autrefois uni autour du maréchal Tito a-t-il pu sombrer dans la guerre  ? Pourquoi l’Europe s’est-elle embrasée dans les années 90, au cœur des Balkans, entre nationalismes, effondrement du communisme et ambitions territoriales ?

💥 Vous verrez comment se sont déroulées la guerre de Slovénie, la guerre de Croatie et la guerre de Bosnie-Herzégovine, jusqu’à l’intervention internationale et la signature des accords de Dayton.

Ce documentaire vous aide à comprendre les origines, les acteurs et les conséquences de ces conflits qui ont marqué l’histoire récente de l’Europe.

Un récit clair, documenté et accessible pour tous ceux qui veulent comprendre les guerres balkaniques et leur héritage aujourd’hui.

La vidéo est disponible sur Youtube
https://youtu.be/QiwFDC7nzO0

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Transcript

Signature des Accords de Dayton

00:00:01
Speaker
Jeudi 14 décembre 1995, Paris.
00:00:04
Speaker
Ce jour-là, trois hommes entrent dans l'histoire.
00:00:10
Speaker
Slobodan Milošević, Franjo Tudjman et Alia Izetbegovic.
00:00:16
Speaker
Ils signent les accords de Dayton qui mettent officiellement fin à la guerre de Bosnie-Herzégovine, le conflit le plus sanglant qu'ait connu l'Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
00:00:29
Speaker
des accords fragiles imposés par la diplomatie américaine qui viennent clore 4 années de guerre, de sièges et de nettoyage ethnique.

Histoire de la Yougoslavie jusqu'à sa dissolution

00:00:38
Speaker
Mais cette histoire, elle ne commence pas avec Dayton.
00:00:42
Speaker
Dans ma première vidéo, nous avons exploré l'histoire de la Yougoslavie depuis ses origines au 19ème siècle jusqu'à son éclatement le 25 juin 1991 au moment la Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance.
00:00:58
Speaker
Ce jour-là, la Yougoslavie s'effondre.

L'effondrement de l'idée de Yougoslavie

00:01:01
Speaker
Pas seulement comme un état, mais comme une idée.
00:01:04
Speaker
Celle d'un peuple uni malgré ses différences, celle d'un projet commun porté par des générations entières.
00:01:11
Speaker
A partir de là, tout s'enchaîne.
00:01:13
Speaker
En quelques mois, ce rêve d'unité devient une série de conflits et la Yougoslavie un champ de lignes.
00:01:20
Speaker
Aujourd'hui, je vous propose à travers des archives exceptionnelles de vous raconter sa chute.
00:01:25
Speaker
Aujourd'hui, je vous propose de reprendre le fil de cette incroyable saga de la Yougoslavie et de comprendre comment la fin de ce rêve s'est transformée en guerre, comment les idéaux d'unité ont laissé place à la haine et comment le rêve d'indépendance s'est payé au prix de milliers de vies.
00:01:48
Speaker
Cette vidéo vient donc à la suite de ma vidéo sur l'histoire de la Yougoslavie.

Les guerres yougoslaves : ethnies, civils ou religieux ?

00:01:51
Speaker
Je vous conseille d'ailleurs vivement d'aller la regarder afin de vous donner une idée du contexte dans lequel nous sommes en 1991.
00:01:56
Speaker
Avant de continuer, et la grande question que tout le monde se pose encore aujourd'hui et à laquelle les médias ont répondu un peu vite à l'époque, c'est « Est-ce que les guerres de Yougoslavie sont des guerres ethniques? »
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Speaker
des guerres civiles ou même des guerres de religion.
00:02:11
Speaker
Spoiler alert, aucune des trois et c'est ce que nous allons voir au cours de cette vidéo.
00:02:15
Speaker
Je ferai une réponse plus complète en fin de vidéo mais pour l'instant, reprenons le récit nous nous étions arrêtés.
00:02:22
Speaker
Nous sommes au lendemain du 25 juin 1991.
00:02:26
Speaker
jour la Yougoslavie cesse d'exister comme fédération, même si le nom va continuer d'être utilisé encore quelques années.
00:02:33
Speaker
Ce 25 juin, la Slovénie et la Croatie déclarent leur indépendance, mais tout ne va pas se passer comme prévu.
00:02:39
Speaker
Revenons d'ailleurs sur les forces en présence.
00:02:42
Speaker
D'un côté donc, la Slovénie avec à sa tête Milan Kucan, le président slovène.
00:02:47
Speaker
C'est un homme calme, stratège et pragmatique qui comprend vite que la Slovénie n'a pas d'avenir dans une fédération dominée par Belgrade.
00:02:55
Speaker
Mais contrairement aux Croates, il sait aussi que la Slovénie n'intéresse pas vraiment Milosevic.
00:03:01
Speaker
Et Kucan va jouer cette carte à fond pour sortir son pays du chaos qui s'annonce.
00:03:05
Speaker
Les Slovènes avaient par ailleurs parfaitement anticipé l'annonce de l'indépendance et la suite en prenant possession des postes frontières.
00:03:12
Speaker
Et ça se fait presque sans effort.
00:03:14
Speaker
Le personnel était déjà Slovène pour la plupart.
00:03:16
Speaker
Il suffit donc de leur faire changer d'uniforme afin qu'ils passent de fonctionnaires fédéraux à soldats slovennes et d'y ajouter aussi les nouveaux drapeaux du pays indépendant.
00:03:25
Speaker
L'aéroport de Brnik, près de Ljubljana, est occupé de la même manière.
00:03:29
Speaker
Tout cela montre que la Slovénie avait préparé son coup bien en amont et qu'elle a pris Belgrade de

Stratégies et ambitions de Milošević

00:03:34
Speaker
court.
00:03:34
Speaker
Et c'est seulement deux jours plus tard, le 27 juin, que l'armée fédérale yougoslave réagit.
00:03:39
Speaker
Officiellement, c'est pour rétablir l'ordre et protéger l'unité du pays.
00:03:43
Speaker
En réalité, elle agit sous pression des dirigeants serbes.
00:03:47
Speaker
Face à Kucan, nous avons donc Milosevic.
00:03:50
Speaker
ancien banquier rapidement devenu aparacique, il s'est emparé du pouvoir en Serbie en jouant la carte du nationalisme serbe.
00:03:56
Speaker
Pour lui, la Yougoslavie ne doit pas disparaître mais elle doit devenir une Yougoslavie dominée par les Serbes.
00:04:03
Speaker
Il contrôle la présidence de la Serbie, il contrôle l'armée fédérale à travers ses relais et il a sous sa coupe la télévision et les médias pour distiller sa propagande.
00:04:12
Speaker
Son objectif?
00:04:13
Speaker
empêcher que les minorités serbes hors de Serbie ne soient abandonnées.
00:04:19
Speaker
Dans les faits, c'est déjà l'idée d'une grande Serbie qui se dessine.
00:04:23
Speaker
À ce moment-là, la présidence tournante de la fédération est bloquée.
00:04:26
Speaker
Le Kouac Stjepan Mesic aurait succéder au Serbe Boris Savjovic,
00:04:30
Speaker
mais les serbes ont bloqué son élection.
00:04:33
Speaker
Résultat, plus de président, un vrai vide de pouvoir.
00:04:36
Speaker
Ce sont donc les militaires qui décident.
00:04:38
Speaker
Le ministre de la défense, Vailko Kadijevic, et le chef d'état-major, Blagoje Hadjic, deux hommes très proches de Milosevic, donnent l'ordre d'intervenir.
00:04:47
Speaker
Milosevic dira plus tard qu'il était contre cette opération, mais c'est difficile à croire.
00:04:52
Speaker
En réalité, il avait tout intérêt à laisser faire.
00:04:54
Speaker
La Slovénie ne comptait pas pour lui, pas de minorité serbe, pas d'importance stratégique.
00:04:59
Speaker
Laisser la JNA intervenir, c'était avant tout un test.
00:05:02
Speaker
Tester la capacité de son armée, tester la réaction des Slovènes et surtout tester la réaction internationale.
00:05:09
Speaker
Car si la Slovénie était perdue, il savait déjà que la véritable bataille se jouerait en Croatie et en Bosnie.
00:05:15
Speaker
Sur le papier, la JNA est une armée puissante, blindée, avions, effectifs nombreux.
00:05:21
Speaker
Mais en Slovénie, elle n'a aucune volonté de combattre.
00:05:25
Speaker
Beaucoup de soldats sont Slovènes, Croates, Bosniaques, Macédoniens.
00:05:28
Speaker
Ils n'ont aucune envie de tirer sur des Slovènes et se demandent ce qu'ils font là.
00:05:34
Speaker
des désertions, des redditions et une démoralisation générale.
00:05:37
Speaker
Les troupes fédérales concentrent alors leurs efforts sur les frontières avec l'Italie, l'Autriche et la Hongrie.
00:05:43
Speaker
Parties des casernes de Slovénie ou venues de Croatie, les colonnes militaires avancent, appuyées par des bombardements aériens.
00:05:50
Speaker
Les aéroports de Ljubljana et Maribor sont aussi visés.
00:05:53
Speaker
En face,
00:05:54
Speaker
la toute jeune armée slovéne montre une combativité inattendue.
00:05:58
Speaker
Elle dresse des barrages sur les routes, bloque les convois militaires et elle contrôle les points stratégiques aux frontières, notamment ceux avec l'Italie, par passe la plupart des marchandises d'Europe occidentale.
00:06:09
Speaker
Aidé par la population,
00:06:10
Speaker
Elle réussit à harceler l'armée yougoslave qui doit alors traverser un territoire hostile afin d'atteindre ses objectifs.
00:06:17
Speaker
Même dans l'état-major, l'opération apparaît mal préparée et mal pensée.
00:06:21
Speaker
De son côté, la communauté européenne bien que divisée intervient pour mettre fin au combat.
00:06:27
Speaker
Les pays voisins plus sensibles à la situation font pression.
00:06:30
Speaker
Ailleurs, comme en France par exemple, on ne comprend pas vraiment ce qui se passe.
00:06:34
Speaker
Du côté de Jacques Delors notamment, président de la Commission européenne, on pense encore pouvoir sauver une fédération qui est déjà disloquée.
00:06:42
Speaker
Dès le 28 juin, des représentants de la communauté européenne représentés par les ministres des Affaires étrangères du Luxembourg, d'Italie et des Pays-Bas se rendent à Belgrade et à Zagreb pour mettre fin à l'agression et restaurer la fédération.
00:06:55
Speaker
Trois mesures sont alors négociées.
00:06:57
Speaker
La première, c'est que la JNA doit se retirer d'abord dans ses casernes, puis quitter totalement le territoire slovène.
00:07:03
Speaker
La deuxième, c'est que la Slovénie et la Croatie acceptent de suspendre leur indépendance pour trois mois.
00:07:09
Speaker
Et la troisième, c'est que Stjepan Mesic devient officiellement président de la fédération.
00:07:14
Speaker
Les exigences européennes ne sont pas acceptées facilement et la communauté européenne doit menacer de sanctions économiques.
00:07:21
Speaker
Finalement, le 7 juillet, la communauté européenne impose les accords de Brioni et c'est que l'illusion européenne apparaît au grand jour.
00:07:29
Speaker
Pour Bruxelles, remettre un président croate à la tête de la fédération, c'est sauver la continuité institutionnelle comme si tout cela n'était qu'un problème de gouvernance.
00:07:38
Speaker
Mais la réalité, c'est que la Yougoslavie n'existe déjà plus.
00:07:42
Speaker
La Slovénie et la Croatie ont déclaré leur indépendance et même si elles acceptent de la suspendre, elles n'ont aucune intention de revenir en arrière.
00:07:51
Speaker
Les Européens, eux, continuent à penser qu'on peut rafistoler la fédération avec des compromis et des négociations, mais ils raisonnent comme si tout cela n'était qu'une crise passagère alors qu'en réalité, la logique n'est déjà plus celle du compromis, elle est celle de la guerre.
00:08:05
Speaker
En 10 jours de combat, le bilan est lourd pour une guerre aussi courte.
00:08:08
Speaker
Une centaine de morts dont une soixantaine dans les rangs de l'armée fédérale et une vingtaine côté slovène.
00:08:13
Speaker
Et surtout, l'image de la JNA invincible s'effondre.
00:08:17
Speaker
Cette armée puissante sur le papier mais minée par les désertions et le manque de motivation montre ses faiblesses au grand jour.
00:08:23
Speaker
La Slovénie, elle, sort de l'affaire presque indemne.
00:08:25
Speaker
Moins de 20 morts, un retrait rapide de la JNA et une reconnaissance de facto de son indépendance.
00:08:31
Speaker
Mais cette victoire, elle a un prix.
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Speaker
En se retirant du jeu, Milan Kuczan laisse Milosevic les mains libres pour la suite.
00:08:38
Speaker
La Slovénie a joué perso, elle a sécurisé son indépendance et laissé le reste de la Yougoslavie plonger dans la tourmente.
00:08:45
Speaker
Dès le lendemain, l'armée fédérale change de visage.
00:08:49
Speaker
Les Slovénes et les Croates quittent ses rangs pour rejoindre leur propre armée nationale.
00:08:53
Speaker
Peu à peu, il ne reste plus que les Serbes.
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Speaker
Cette armée qui prétendait défendre l'unité d'un pays multinational devient en réalité l'instrument d'un seul projet, construire la Serbie rêvée de Milosevic.
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Speaker
A ce moment-là, il suffit de regarder une carte pour comprendre le projet qui se dessine.
00:09:09
Speaker
Au centre, la Serbie.
00:09:11
Speaker
autour comme des tâches éparpillées des territoires vivent des serbes.
00:09:15
Speaker
A l'est de la Croatie, dans la Krayina ou en Slavonie, en Bosnie, dans la moitié du pays du nord jusqu'à l'est, au Monténégro, resté fidèle à Belgrade.
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Speaker
La logique est simple, si la Yougoslavie se disloque, alors tous ces territoires doivent être réunis pour former un seul état serbe, une sorte de grande Serbie qui ne dirait pas son nom.
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Speaker
Chaque village, chaque vallée vivent des Serbes devient une revendication territoriale.
00:09:39
Speaker
Et pour atteindre cet objectif, il faudra déplacer les autres, les croates, les bosniaques, tous ceux qui ne rentrent pas dans cette nouvelle carte rêvée.
00:09:47
Speaker
Et désormais, le prochain champ de bataille se dirige vers le grand perdant des accords de Brioni, la Croatie.
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Speaker
Du côté croate, c'est Fraño Tudjman qui commande, ancien partisan de Tito pendant la seconde guerre mondiale, il a ensuite rompu avec le régime communiste.
00:10:01
Speaker
Historien de formation, il critique certains tabous du communisme et s'engage dans le mouvement du printemps croate de 1971 qui réclame plus d'autonomie pour Zagreb.
00:10:10
Speaker
C'est ce qui lui vaut d'ailleurs d'être emprisonné à deux reprises par les autorités yougoslaves en 1972 puis en 1981 pour propagande hostile.
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Speaker
Ces années de dissidence forgent alors son image de résistant croate face à Belgrade, une image qu'il saura utiliser plus tard en politique.
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Speaker
En 1989, il fonde le HDZ, le grand parti nationaliste croate.
00:10:32
Speaker
Élu président en 1990,
00:10:34
Speaker
Il rêve de retrouver une Croatie indépendante, mais aussi d'agrandir ses frontières au détriment de la Bosnie.
00:10:41
Speaker
Tudjman est autoritaire, il tolère mal l'opposition et sa politique inquiète la minorité serbe de Croatie qui se sent alors menacée.
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Speaker
Effectivement, en Croatie, les tensions ne datent pas de l'été 1991.
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Speaker
Depuis plusieurs mois déjà, le climat se dégrade entre la majorité croate et la minorité serbe.
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Speaker
Les discours nationalistes d'un côté comme de l'autre attisent les peurs.
00:11:00
Speaker
Beaucoup de Serbes de Croatie redoutent de revivre les horreurs de la seconde guerre mondiale quand le régime Ustachi, allié aux nazis, avait massacré des milliers de Serbes.
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Speaker
Certes, Tudjman n'a jamais appelé à tuer les Serbes vivant en Croatie, mais son nationalisme autoritaire, ses ambiguïtés historiques et sa volonté de bâtir un état croate indépendant suffisent à nourrir les angoisses.
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Speaker
Dans ce climat tendu, le moindre incident local peut rapidement se transformer en affrontement.
00:11:28
Speaker
Et lors de l'été 1991, la Croatie plonge dans la guerre.
00:11:32
Speaker
Dans les régions vivent de fortes minorités serbes, des structures séparatistes se mettent en place.
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Speaker
A Knin, dans la Kraïna, dans la Baniya et le Kordoun, puis en Slavonie orientale.
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Speaker
En même temps, à partir de la Kraïna, les forces serbes progressent vers le littoral d'Almat.
00:11:48
Speaker
Il y aura bientôt deux régions autonomes serbes proclamées sur le territoire de la Croatie, la Krajina et la Slavonie orientale.
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Speaker
Ainsi, avant la fin du mois d'août, la Croatie perd progressivement le contrôle de 38 Obstinés, ce qui représentait près d'un tiers des 115 Obstinés que comptait alors le pays.
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Speaker
Les Obstinés, ce sont des circonscriptions administratives yougoslaves qui regroupent souvent plusieurs dizaines de localités ou villages
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Speaker
et qui prend le nom de la plus grosse ville aux alentours.
00:12:16
Speaker
Les populations serbes s'appuient alors sur des milices paramilitaires qui se disent indépendantes, mais qui bénéficient totalement du soutien direct de la JNA, dont celle tristement célèbre d'Arkhan ou de Chechail.
00:12:27
Speaker
Effectivement, dans cette montée des tensions apparaissent aussi de nouvelles figures qui vont bientôt peser lourd dans le conflit.
00:12:32
Speaker
D'un côté,
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Speaker
Zeljko Rajnatović, plus connu sous le nom d'Arkane, ancien braqueur et homme du milieu, il s'impose à Belgrade comme chef d'une garde de volontaires serbes.
00:12:42
Speaker
Ses liens avec les services secrets serbes enfantent un personnage ambigu à la frontière entre le crime organisé et le patriotisme nationaliste.
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Speaker
De l'autre, Vojislav Šešel, un universitaire de Sarajevo devenu tribun politique, fondateur du parti radical serbe.
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Speaker
Ses discours enflammés sur la Grande Serbie séduisent une partie de l'opinion et il commence à lever ses propres unités de volontaires.
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Speaker
Tous deux incarnent cette radicalisation d'une partie de la société serbe au tournant des années 90.
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Speaker
et ils deviendront bientôt des acteurs incontournables de la guerre.
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Speaker
Le scénario en Croatie est souvent le même.
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Speaker
Des policiers croates isolés sont attaqués, des villages croates voisins sont bombardés aux mortiers, la population civile fuit, puis l'armée fédérale arrive pour s'interposer, mais en réalité, elle chasse la police croate,
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Speaker
prend le contrôle et laisse le champ libre aux milices serbes.
00:13:29
Speaker
Les villages croates sont vidés, parfois rasés.
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Speaker
C'est une logique de conquête et de purification ethnique qui s'installe.
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Speaker
Dès le mois de juillet, les victimes sont nombreuses un peu partout.
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Speaker
A la fin du mois, on est en présence de vrais faits de guerre.
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Speaker
La carte des combats s'élargit très vite.
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Speaker
A l'été, la Slavonie orientale est en feu.
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Speaker
Le 2 août, à Daeli, la police et des civils croates sont attaqués par des chars de la JNA.
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Speaker
60 à 80 morts en une journée.
00:13:56
Speaker
Au milieu du mois d'août, le mythe de l'action autonome des milices serbes de Croatie est abandonné.
00:14:01
Speaker
C'est l'armée yougoslave elle-même qui prend en main la conquête du territoire.
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Speaker
Venant de Bosnie, une importante colonne de chars envahit la Slavonie occidentale.
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Speaker
Le 27 août commence l'attaque de Vukovar sur le Danube.
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Speaker
C'est une ville de 40 000 habitants, majoritairement croates dans son centre et serbes dans sa banlieue.
00:14:18
Speaker
La Gianna et les paramilitaires serbes l'encerclent, l'écrasent sous les bombes.
00:14:22
Speaker
Pendant trois mois, la ville résiste maison par maison.
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Speaker
Elle devient le Stalingrad croate, mais elle tombera le 19 novembre, totalement détruite après un siège effroyable.
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Speaker
Au départ, les croates sont largement désavantagés.
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Speaker
La Giana est l'une des plus grandes armées d'Europe héritée du temps de Tito.
00:14:40
Speaker
La Croatie, elle, n'a quasiment pas d'armement lourd.
00:14:43
Speaker
Et pour ne rien arranger, en septembre 1991,
00:14:47
Speaker
l'ONU impose un embargo sur les armes.
00:14:50
Speaker
Un embargo neutre en apparence, mais qui bloque surtout les Croates et bientôt les Bosniaques pendant que les Serbes disposent déjà de tout l'arsenal fédéral.
00:14:58
Speaker
Zagreb trouve alors une solution, attaquer les casernes de la JNA encore présentes sur son sol.
00:15:04
Speaker
A la mi-septembre, les Croates lancent des assauts parfois pacifiques, parfois violents.
00:15:08
Speaker
A Chibenik, à Ploche, ils parviennent à récupérer près de 140 tonnes d'armes, des chars, des munitions.
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Speaker
pour la première fois, ils peuvent répondre aux attaques.
00:15:18
Speaker
La JNA réplique à la fin septembre en annonçant que chaque caserne attaquée entraînera la destruction d'un objectif économique croate.
00:15:25
Speaker
Les bombardements redoublent visant usines, infrastructures industrielles et touristiques et même des hôpitaux.
00:15:31
Speaker
A partir de cette date,
00:15:33
Speaker
La destruction systématique de tout le potentiel industriel et touristique de la Croatie va commencer.
00:15:39
Speaker
En même temps, les forces serbes descendant de la Kraïna ont atteint la côte adriatique et attaquent les villes côtières de Zadar et Chibénik.
00:15:46
Speaker
La Dalmatie est virtuellement coupée du reste du pays, sauf par voie maritime, mais la marine yougoslave entame le blocus des ports à partir du 3 octobre.
00:15:54
Speaker
Pendant ce temps, à Belgrade, la présidence collégiale est confisquée ce même jour par les membres serbes et monténégrins qui placent à sa tête Branko Kostic,
00:16:03
Speaker
un fidèle de Milosevic.
00:16:04
Speaker
La présidence ainsi tronquée s'arroge aussi certains des pouvoirs du Parlement fédéral et prend des mesures de mobilisation.
00:16:11
Speaker
C'est alors la fin de tous les faux semblants et l'aggravation de la guerre.
00:16:14
Speaker
Le 7 octobre, un raid aérien de l'armée fédérale frappe à Zagreb le palais présidentiel alors que s'y trouvait non seulement Tudjman mais aussi Messic et Markovic.
00:16:25
Speaker
Officiellement président et premiers ministres fédéraux.
00:16:28
Speaker
Du côté des civils, les atrocités se multiplient.
00:16:31
Speaker
Les observateurs européens décrivent une stratégie de destruction systématique.
00:16:36
Speaker
Artillerie lourde d'abord, puis milice et armée fédérale pour tenir le terrain.
00:16:40
Speaker
Villages croates brûlés, églises et écoles rasées, musées et hôpitaux visés.
00:16:44
Speaker
L'historien Mirko Gormek parlera de mémoricides pour décrire cette volonté d'effacer jusqu'au souvenir d'une présence croate dans les territoires conquis.
00:16:53
Speaker
On estime à plus d'un demi-million les réfugiés croates pour les trois quarts, mais aussi serbes et autres minorités, chassés de leur foyer.
00:17:01
Speaker
Ce n'est pas une conséquence accidentelle de la guerre, c'est une politique délibérée.
00:17:06
Speaker
Le gouvernement croate a vu le danger.
00:17:08
Speaker
tout territoire fui par la population civile risque d'être perdu et ce, pour toujours.
00:17:13
Speaker
C'est pourquoi de plus en plus, partout c'est possible, il encourage ses citoyens à rester sur place quoi qu'il arrive.
00:17:19
Speaker
À la mi-octobre, un nouveau front apparaît.
00:17:22
Speaker
L'armée attaque Dubrovnik.
00:17:24
Speaker
Cette ville historique à l'extrême pointe sud du territoire croate.
00:17:28
Speaker
Elle voisine avec le Monténégro et l'ère Zégovine orientale, terre serbe, mais elle est elle-même purement croate.
00:17:34
Speaker
Il n'y avait pas dans cette région de serbes à protéger.
00:17:37
Speaker
Mais depuis des semaines, des réservistes monténégrins avaient fait mouvement à travers toute l'ère Zégovine, semant la terreur dans la population croate et musulmane de cette province.
00:17:47
Speaker
Ils viennent finalement mettre le siège devant Dubrovnik, appuyé par l'armée qui bombarde la ville et par la marine qui la bloque du côté de la mer.
00:17:55
Speaker
Au début, ce sont seulement les hôtels construits hors de la ville historique qui sont systématiquement détruits par les obus.
00:18:02
Speaker
Il s'agit d'anéantir le potentiel touristique.
00:18:04
Speaker
Puis les bombes finissent par tomber aussi sur le centre historique, malgré les protestations indignées et impuissantes de l'UNESCO et de l'opinion internationale.
00:18:13
Speaker
Comme Vukovar, Dubrovnik est assiégé.
00:18:16
Speaker
Bien que les attaques viennent principalement de l'armée fédérale et des milices serbes, les atrocités sont aussi commises du côté croate par des milices incontrôlées, notamment à Gospic ou en Slavonie.
00:18:26
Speaker
Mais l'initiative militaire et l'ampleur des destructions viennent essentiellement du camp serbe et de l'armée fédérale.
00:18:32
Speaker
De plus, avec la saisie d'un armement important dans les casernes, le passage du côté croate de nombreux officiers expérimentés de l'armée fédérale, y compris des généraux, et le changement du ministre de la Défense,
00:18:43
Speaker
La résistance croate prend un tour plus professionnel et le gouvernement croate fait aussi le ménage pour mettre fin à la prolifération des milices.
00:18:51
Speaker
Et cette réorganisation, elle porte ses fruits.
00:18:53
Speaker
En novembre et décembre, la défense croate commence à remporter quelques succès.
00:18:57
Speaker
Une partie de la Slavonie occidentale est progressivement reconquise.
00:19:01
Speaker
La Croatie, déjà coupée en deux morceaux, échappe au risque de l'être en trois.
00:19:05
Speaker
On est donc face à une guerre horrible la haine est générale, des atrocités sont commises contre des civils, les destructions sont systématiques.
00:19:14
Speaker
Il est clair aussi que ce conflit a été planifié par le camp serbe comme une guerre de conquête, et plus précisément de conquête intégrale, dans le territoire conquis,
00:19:22
Speaker
toute présence croate, même civile, doit disparaître et tout souvenir d'une telle présence doit être effacé.
00:19:28
Speaker
» Soulignons enfin qu'il ne s'agit pas d'une guerre civile dans le conflit actuel, ce sont deux peuples qui s'affrontent dans l'heure entière.
00:19:34
Speaker
Face à ce chaos, la communauté internationale tente de réagir.
00:19:37
Speaker
Pendant ces six mois, de juillet à décembre 1991,
00:19:41
Speaker
Des efforts permanents ont été faits par la communauté internationale pour essayer de mettre fin au combat.
00:19:47
Speaker
14 cessez-le-feu ont été successivement signés par les partis en conflit sous la pression des médiateurs étrangers, mais aucun n'a été respecté plus de quelques heures ou au maximum 2 ou 3 jours.
00:19:56
Speaker
La stratégie de la communauté internationale se déroule alors en 3 phases.
00:20:00
Speaker
Dans un premier temps, en juillet et en août, la communauté européenne continue le processus de médiation réussi lors de l'invasion de la Slovénie, mais le succès remporté en Slovénie ne se renouvelle pas.
00:20:10
Speaker
Effectivement, la Serbie ne souhaite pas céder les territoires conquis en Croatie et laisser cesser le feu signé reste inefficace.
00:20:17
Speaker
Au début de septembre, les Européens comprennent qu'une simple assistance aux négociations ne suffira pas et qu'il faut une intervention plus active de l'Europe.
00:20:25
Speaker
Ils se rendent aussi compte qu'un cessez-le-feu ne suffit pas mais qu'il faut une négociation au fond sur les problèmes politiques.
00:20:31
Speaker
Une conférence de paix est alors réunie à la haie avec les représentants de la communauté européenne et ceux de toutes les parties yougoslaves.
00:20:37
Speaker
Cette conférence siège par interruption du 7 septembre au 12 décembre et elle est présidée par Lord Peter Carrington qui joue ainsi le rôle de médiateur permanent.
00:20:46
Speaker
Dans le même temps, à l'initiative de la France, la Communauté européenne met en place une commission de juristes composée des présidents des conseils constitutionnels ou institutions équivalentes de 5 des pays membres et qui sera présidée par Robert Badinter.
00:21:00
Speaker
Elle a pour mission d'étudier les institutions des républiques yougoslaves en cause et de proposer les mesures qui, dans ce domaine, pourraient permettre l'apaisement des conflits.
00:21:10
Speaker
Il s'agit essentiellement de la protection des minorités.
00:21:13
Speaker
Entre temps, une troisième force de médiation a commencé à se mettre en place, celle de l'ONU.
00:21:18
Speaker
Celle-ci, saisie une première fois le 25 septembre par la France, l'Angleterre et la Belgique, n'avait décidé qu'un embargo sur les armes.
00:21:25
Speaker
Cette mesure ne gênait pas l'armée fédérale déjà suffisamment équipée.
00:21:29
Speaker
Pour des mesures plus contraignantes, il n'y avait pas de majorité.
00:21:32
Speaker
Mais le 8 octobre, le secrétaire général de l'ONU, Javier Perez de Cuellar, désigne comme son représentant personnel en Yougoslavie Cyrus Vence,
00:21:42
Speaker
ancien secrétaire d'état américain sous Jimmy Carter.
00:21:45
Speaker
Celui-ci se rend très souvent en Yougoslavie et négocie à son tour avec toutes les parties.
00:21:50
Speaker
C'est d'ailleurs à son initiative que sera signé un 15e cessez-le-feu qui entrera en vigueur le 3 janvier 1992 et qui sera enfin respecté.
00:21:59
Speaker
A ce moment-là, la Croatie essaye alors au maximum d'internationaliser ce conflit
00:22:04
Speaker
et elle est demandeuse d'intervention internationale.
00:22:06
Speaker
La Serbie, quant à elle, essaye au maximum de ralentir les discussions afin de grignoter le plus de terrain possible.
00:22:13
Speaker
Les divers médiateurs dénoncent à plusieurs reprises cette obstruction, mais hésitent à en tirer les conséquences.
00:22:19
Speaker
Il n'est pas question de définir clairement l'agresseur et l'agressé.
00:22:22
Speaker
Au contraire, chaque nouveau refus opposé par la partie serbe a pour résultat une nouvelle concession qui lui est faite par les médiateurs.
00:22:30
Speaker
La Serbie sait qu'elle dispose d'une supériorité militaire écrasante.
00:22:34
Speaker
Elle a donc tout intérêt à progresser le plus possible sur le terrain et l'arrêt effectif des combats ne peut que la gêner.
00:22:40
Speaker
La violation des accords successifs lui est facile.
00:22:43
Speaker
Il suffit que les milices tirent quelques coups de feu pour attirer une riposte croate et alors l'armée s'ira attaquer.
00:22:49
Speaker
Dans les négociations menées par Cyrus Vance en vue du déploiement de casques bleus, les serbes voudraient que ceux-ci soient placés de part et d'autre de la ligne de front, ce qui consacrerait les conquêtes de territoires déjà réalisés.
00:23:00
Speaker
Les croates demandent au contraire qu'ils soient disposés sur les frontières des républiques, ce qui en confirmerait l'intangibilité.
00:23:07
Speaker
On admet finalement qu'ils se posteront dans tout l'espace compris entre ces deux lignes, donc dans toutes les parties occupées du territoire croate.
00:23:14
Speaker
Mais le régime de ces zones démilitarisées, la mission exacte des casques bleus, sa durée, continuent à être l'objet de négociations épineuses.
00:23:22
Speaker
Les Européens eux-mêmes sont divisés.
00:23:24
Speaker
L'Allemagne pousse à reconnaître rapidement la Slovénie et la Croatie, suivie par l'Italie et le Danemark.
00:23:29
Speaker
La France et le Royaume-Uni, eux, freinent espérant obtenir des concessions de Belgrade en échange.
00:23:34
Speaker
Résultat, une cacophonie diplomatique.
00:23:37
Speaker
Et c'est seulement le 18 décembre 1991 qu'une décision commune a pu être prise par les douze prévoyant pour les républiques qui en feraient la demande, donc la Slovénie, la Croatie, la Bosnie et la Macédoine, une reconnaissance différée au 15 janvier et conditionnelle sous réserve des conclusions de la commission Badinter sur la conformité de leurs institutions aux principes démocratiques et notamment aux droits des minorités.
00:24:00
Speaker
Mais dès le lendemain, l'Allemagne fait savoir qu'elle reconnaîtra la Slovénie et la Croatie quoi qu'il arrive.
00:24:05
Speaker
Chacun joue sa partition et le prestige des institutions européennes en sort totalement affaibli.
00:24:10
Speaker
De son côté, le parlement de Bosnie-Herzégovine, qui est dominé alors par la coalition entre le SDA, le parti des bosniaques et le HDZ, le parti de la minorité croate en Bosnie-Herzégovine et quelques autres partis civiques,
00:24:23
Speaker
proclame alors la souveraineté de la République en octobre 1991.
00:24:27
Speaker
En réaction immédiate, les députés du SDS, qui est le parti de Karadzic, quittent le parlement de Sarajevo et créent leur propre institution le 24 octobre 1991 qui sera l'Assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine.
00:24:43
Speaker
Dès 1991,
00:24:44
Speaker
Des barrages serbes apparaissent alors dans certaines régions de Bosnie et les serbes de Bosnie commencent à s'armer en lien avec la JNA qui leur transfère du matériel.
00:24:53
Speaker
On n'est pas encore dans une guerre totale mais les préparatifs sont clairs.
00:24:57
Speaker
Izet Begovic croit encore pouvoir maintenir une Bosnie multiethnique.
00:25:01
Speaker
Mais Karadzic prépare déjà le contraire.
00:25:03
Speaker
Le problème de la Bosnie-Herzégovine, c'est qu'ici les populations sont mélangées village par village, vallée par vallée, ce qui rend donc tout projet de partage territorial explosif.
00:25:12
Speaker
Et pendant ce temps, une autre république suit sa propre voie.
00:25:15
Speaker
Le 8 septembre 1991, la Macédoine organise un référendum qui confirme son indépendance.
00:25:22
Speaker
Pas de guerre ici, Milosevic laisse filer, préférant concentrer ses forces sur la Croatie.
00:25:26
Speaker
Mais les difficultés apparaissent tout de suite pour ce petit pays.
00:25:29
Speaker
La Grèce refuse de reconnaître le nom Macédoine, qu'elle considère comme lié à son propre héritage antique.
00:25:36
Speaker
Résultat, la nouvelle république ne sera admise à l'ONU qu'en 1993 sous l'appellation provisoire d'ancienne république yougoslave de Macédoine.
00:25:44
Speaker
Un signe que même sans guerre, la dislocation yougoslave reste semée de tensions diplomatiques et identitaires.
00:25:50
Speaker
Je vous prépare d'ailleurs une vidéo dédiée à la Macédoine du Nord parce que tout ce qui s'est passé là-bas ces dernières années est passionnant.
00:25:56
Speaker
Fin 91 donc, la carte a changé.
00:25:59
Speaker
La Slovénie est sortie du conflit, la Croatie est dévastée mais elle est toujours debout.
00:26:03
Speaker
La Macédoine, quant à elle, a proclamé son indépendance.
00:26:06
Speaker
La Giana de son côté, elle n'est plus vraiment une armée fédérale car elle est devenue un outil au service d'un seul projet, celui de Belgrade.
00:26:13
Speaker
Et ce projet il est clair, réunir tous les territoires considérés comme serbes dans un seul état.
00:26:19
Speaker
La logique, elle n'est plus celle du compromis, c'est la logique de la conquête et le prochain champ de bataille, ce sera la Bosnie-Herzégovine.
00:26:30
Speaker
Le début de l'année 1992 est marqué par deux événements majeurs.
00:26:34
Speaker
D'abord le cessez-le-feu signé le 3 janvier.
00:26:37
Speaker
Ensuite la reconnaissance par un grand nombre d'États de l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie le 15 janvier.
00:26:43
Speaker
Entre temps, le 7 janvier, un drame choque l'opinion internationale.
00:26:47
Speaker
Un hélicoptère transportant des observateurs européens est abattu par l'armée fédérale au-dessus de la Croatie.
00:26:54
Speaker
5 morts.
00:26:54
Speaker
L'incident souligne à quel point la JNA agit désormais comme une force d'agression incontrôlée dominée par Belgrade.
00:27:00
Speaker
Mais alors, comment ce 15e cessez-le-feu, signé le 3 janvier, est plus efficace que les autres?
00:27:05
Speaker
Milosevic semble avoir décidé d'un recul.
00:27:08
Speaker
Son ministre des Affaires étrangères donne d'ailleurs une interview au Monde qui est très en retrait sur les positions serbes habituelles.
00:27:14
Speaker
Il admet même que la Croatie peut être reconnue comme un état indépendant dès lors qu'elle résoudra le problème des Serbes de façon satisfaisante et en accord avec les Serbes vivant là-bas.
00:27:24
Speaker
Il est donc plus question de modification de frontière.
00:27:27
Speaker
On se contenterait de la protection des serbes par la présence de casques bleus.
00:27:30
Speaker
On peut aussi penser que la résistance à la guerre en Serbie même, les positions plus nuancées prises par l'opposition serbe, ainsi que les difficultés économiques y sont pour beaucoup.
00:27:39
Speaker
Mais la décision prise par de nombreux pays de reconnaître les indépendances a peser très lourd parce qu'elle est un signe de l'engagement plus grand de la communauté internationale.
00:27:47
Speaker
Désormais, la lutte va se transporter sur le terrain diplomatique.
00:27:51
Speaker
Les deux parties ayant accepté le projet de l'ONU du plan Vence qui prévoit alors le déploiement de casques bleus sur le terrain.
00:27:58
Speaker
Mais pour quelle mission?
00:28:00
Speaker
L'ONU a-t-elle pour mission de rétablir le statu quo ou de rendre définitives les conquêtes serbes réalisées?
00:28:06
Speaker
En théorie, leur mission est simple, s'interposer et protéger les civils.
00:28:10
Speaker
Mais dans les faits, cela signifie surtout enterriner la mainmise serbe sur un tiers du territoire croate.
00:28:16
Speaker
Car les casques bleus ne viendront pas déloger les milices.
00:28:19
Speaker
ils viendront figer la situation telle qu'elle est.
00:28:21
Speaker
Pour Zagreb, c'est une paix bancale, mais c'est aussi un répit indispensable.
00:28:26
Speaker
Ce point n'est alors jamais vraiment éclairci, mais en fait, le camp serbe obtient presque entièrement satisfaction au cours de tractations qui se déroulent en janvier et février.
00:28:35
Speaker
Il est admis par l'ONU que la législation croate ne sera pas rétablie dans les territoires contrôlés par l'ONU, ce qui signifie que le pouvoir des RAS, les républiques serbes autoproclamées, est implicitement confirmé.
00:28:47
Speaker
Le désarmement ou l'évacuation des milices n'est plus expressément prévu.
00:28:51
Speaker
Les forces de l'ONU devront donc coexister avec des formations armées dont on ne sait pas trop à qui elles obéissent.
00:28:58
Speaker
Tout est en place pour la consécration du fait accompli, laissant au pouvoir de fait serbe non seulement les territoires leur peuple est majoritaire, mais d'autres nettement plus vastes la majorité est croate ou du moins l'était six mois plus tôt.
00:29:12
Speaker
Rien n'est prévu non plus au sujet des réfugiés pour savoir s'ils pourront revenir dans les villages d'où ils ont été chassés afin de reconstruire ce qui a été détruit, ce qui permettrait au prix d'énormes difficultés d'annuler les conséquences démographiques.
00:29:24
Speaker
Les serbes souhaitent que la mission des Casques Bleus soit longue, au moins 10 ans,
00:29:28
Speaker
Les Croates, qu'elles soient courtes, 6 mois.
00:29:30
Speaker
Là-dessus, rien n'est décidé.
00:29:32
Speaker
Ces arrangements ne sont pas acceptés volontiers par les deux parties.
00:29:35
Speaker
A Zagreb, le gouvernement est souvent sur le point de refuser le plan Vence.
00:29:39
Speaker
Il en est à chaque fois dissuadé par des pressions de l'Allemagne.
00:29:42
Speaker
Il faut alors attendre le 6 février pour que la Croatie fasse connaître son acceptation intégrale.
00:29:48
Speaker
Du côté serbe, c'est Milosevic qui a pris en main la défense du plan Vence.
00:29:52
Speaker
Remarquable tacticien, il estime sans doute avoir atteint à peu près ses buts de guerre et juge que dans l'état d'isolément diplomatique de son pays, de délabrement de son économie et de démoralisation de sa population, il serait alors difficile de progresser davantage.
00:30:05
Speaker
Il s'agit plutôt pour lui de consolider l'acquis et le plan de l'ONU doit y être propice.
00:30:10
Speaker
En février 1992, l'ONU décide enfin d'intervenir plus directement.
00:30:15
Speaker
Par la résolution 743 du Conseil de sécurité, elle crée la FORPRONU, la Force de protection des Nations Unies.
00:30:22
Speaker
Sur le papier, sa mission est claire, surveiller le cessez-le-feu signé en Croatie le 3 janvier et protéger ce qu'on appelle les zones protégées par l'ONU, les territoires occupés par les Serbes de Croatie.
00:30:32
Speaker
En réalité, tout est déjà bancal.
00:30:35
Speaker
La fort pronue arrive dans un pays en ruines avec un mandat flou, sans réel pouvoir d'imposer la paix.
00:30:40
Speaker
Ses casques bleus sont nombreux, 14 000 hommes dont 2 500 français.
00:30:44
Speaker
Ils sont équipés d'un matériel militaire ultra moderne, mais ils n'ont pas le droit de l'utiliser autrement qu'en légitime défense.
00:30:50
Speaker
Autrement dit, ils sont pour observer plus que pour agir.
00:30:54
Speaker
Très vite, leur rôle s'élargit.
00:30:56
Speaker
Dès l'été, la guerre s'enflamme en Bosnie-Herzégovine et la Fort-Prenu est alors envoyée pour sécuriser les convois humanitaires, notamment vers Sarajevo.
00:31:04
Speaker
On les voit protéger l'aéroport de la ville, escorter des camions de vivres, installer des checkpoints.
00:31:09
Speaker
Mais encore, sans mandat offensif, ils sont impuissants.
00:31:12
Speaker
Les populations civiles continuent de mourir sous les obus et les snipers et la présence de ces soldats casqués, spectateurs d'une guerre atroce, devient pour beaucoup un symbole d'impuissance internationale.
00:31:23
Speaker
Mais revenons aux causes du conflit en Bosnie-Herzégovine.
00:31:26
Speaker
La tension y était déjà palpable depuis quelques mois avec la volonté d'indépendance de Izetbegovic.
00:31:31
Speaker
Le 29 février et le 1er mars 1992, les Bosniens sont alors appelés aux urnes afin de décider de l'avenir de leur pays.
00:31:39
Speaker
Ce référendum sur l'indépendance mobilise alors surtout les bosniaques musulmans et une majorité de croates, tandis que la population serbe le boycotte largement suivant les consignes de Karasic et de son assemblée des serbes de Bosnie.
00:31:51
Speaker
Le résultat est alors sans appel, près de deux tiers des électeurs votent et plus de 99% se prononcent pour l'indépendance.
00:31:59
Speaker
Mais ce moment qui devait être celui d'une victoire démocratique va être terni par un drame.
00:32:04
Speaker
Le 1er mars, à Sarajevo, un homme serbe est tué par Baal alors qu'il sortait d'un mariage orthodoxe.
00:32:11
Speaker
L'événement choque immédiatement le pays.
00:32:13
Speaker
Pour beaucoup, c'est le premier sans verser, le signal que la guerre est toute proche.
00:32:18
Speaker
L'auteur présumé est vite identifié, Ramiz Délalic, dit Celo, un chef de bande bien connu dans la capitale, issu du milieu criminel.
00:32:25
Speaker
Délalic deviendra plus tard un commandant de l'armée bosnienne, mais il ne sera jamais jugé pour ce meurtre.
00:32:31
Speaker
Les poursuites ouvertes n'ont jamais abouti, la guerre ayant éclaté quelques semaines plus tard.
00:32:35
Speaker
Et lui-même sera assassiné en 2007 dans un probable règlement de compte.
00:32:40
Speaker
Ce meurtre isolé aurait pu rester un fait divers dramatique, mais dans le contexte de l'indépendance, il est immédiatement instrumentalisé par les nationalistes serbes qui voient la preuve que les serbes de Bosnie sont menacés.
00:32:52
Speaker
Dans un climat déjà explosif, ce premier mort devient un symbole.
00:32:56
Speaker
Pour certains, c'est même le vrai point de départ de la guerre de Bosnie.
00:33:00
Speaker
Finalement, la Bosnie-Herzégovine proclame son indépendance le 3 mars 1992.
00:33:05
Speaker
Le pays est alors reconnu par la Communauté Européenne le 6 avril puis le 7 avril par les Etats-Unis.
00:33:11
Speaker
Sur le papier, c'est une victoire diplomatique.
00:33:13
Speaker
Dans les faits, c'est le déclencheur de la guerre.
00:33:16
Speaker
De son côté, Karadzic avait proclamé le 9 janvier 1992 la création de la République Serbe de Bosnie-Herzégovine qui sera renommée le 12 août 1992, Republika Sovriska.
00:33:29
Speaker
De nombreux responsables serbes, tant de Serbie que de Bosnie, avaient prévenu.
00:33:32
Speaker
Si la Bosnie se détache de la Yougoslavie, les régions peuplées de serbes se détacheront de la Bosnie et l'indépendance de cette république déclenchera la guerre.
00:33:41
Speaker
Dès la fin de 1991, le ton monte déjà en Bosnie.
00:33:45
Speaker
Le parlement de Sarajevo débat de la possible indépendance de la république et Radovan Karadzic, le leader des serbes de Bosnie, prend la parole.
00:33:52
Speaker
Devant les députés, il lance une mise en garde glaçante.
00:33:56
Speaker
Si vous insistez pour déclarer l'indépendance, vous allez entraîner le peuple musulman vers la disparition.
00:34:03
Speaker
Ces mots résonnent comme une menace à peine voilée.
00:34:06
Speaker
Karadzic laisse entendre que si la Bosnie sort de la Yougoslavie, les Serbes ne resteront pas passifs.
00:34:11
Speaker
Pour beaucoup d'observateurs, ce discours est l'un des premiers signaux publics d'une volonté de guerre.
00:34:16
Speaker
Quelques mois plus tard, lors du référendum, ces menaces prennent tout leur sens.
00:34:21
Speaker
La Bosnie choisit l'indépendance, les Serbes boycottent le scrutin et dès le lendemain, les premiers barrages serbes apparaissent autour de Sarajevo.
00:34:28
Speaker
La prophétie de Karadzic n'était pas une prédiction, c'était une annonce des violences à venir.
00:34:34
Speaker
Or, les pays occidentaux n'avaient prévu aucune mesure pour faire respecter l'intégrité du pays qu'ils venaient de reconnaître et, en acceptant l'indépendance,
00:34:42
Speaker
Ils avaient ouvert la porte à sa division sur des critères ethniques que réclamait le cancer.
00:34:47
Speaker
Et donc, dès le lendemain du référendum, Sarajevo est encerclé.
00:34:51
Speaker
Les unités paramilitaires serbes érigent des barricades tout autour de la ville.
00:34:55
Speaker
Les collines qui dominent la ville se couvrent d'artillerie et de snipers.
00:34:58
Speaker
C'est le début d'un siège qui va durer 43 mois, le plus long de l'histoire moderne en Europe.
00:35:04
Speaker
Il faut noter que quelques mois plus tôt, en 1991, des randonneurs auraient aperçu des camions militaires dans les montagnes autour de Sarajevo.
00:35:12
Speaker
Le magazine hebdomadaire de Sarajevo Slobodna Bosna avait même publié des plans de Karadzic pour déployer des soldats et des armes lourdes au point stratégique autour de Sarajevo.
00:35:23
Speaker
Tout était déjà prêt.
00:35:25
Speaker
Le 5 avril 1992, plus de 100 000 personnes participent à un rassemblement pour la paix dans les rues de Sarajevo.
00:35:31
Speaker
Sur ordre de Karadzic, des tireurs d'élite du parti démocrate serbe ouvrent le feu sur la foule depuis l'hôtel Oliidein ils sont installés au
00:35:40
Speaker
cœur de Sarajevo, tuant 6 personnes et en blessant plusieurs autres.
00:35:44
Speaker
Swada Dilberovic et Olga Sucic, deux étudiantes d'origine croate qui participent à ces manifestations contre la guerre, sont tuées sur le pont de Verbanya.
00:35:53
Speaker
Elles sont considérées comme les premières victimes de la guerre de Bosnie.
00:35:57
Speaker
Le pont elles ont été tuées a ensuite été rebaptisé en leur honneur.
00:36:01
Speaker
À ce moment-là, trois figures incarnent ce pays déchiré.
00:36:04
Speaker
Il y a d'abord Alia Izetbegovic, président de la Bosnie-Herzégovine, qui croit encore en une Bosnie multiethnique.
00:36:11
Speaker
Mais il n'a pas préparé son pays à la guerre.
00:36:13
Speaker
Avocat, intellectuel, musulman pratiquant, il a derrière lui un parcours marqué par la dissidence.
00:36:19
Speaker
Dans les années 70, il rédige un texte intitulé Déclaration Islamique qui appelle à une société inspirée par les valeurs de l'islam.
00:36:27
Speaker
Le régime communiste y voit alors une menace et le condamne pour activités hostiles.
00:36:31
Speaker
Il passe alors plusieurs années en prison.
00:36:33
Speaker
C'est cet épisode qui, plus tard, sera utilisé par ses adversaires pour l'accuser d'être un islamiste radical, voulant instaurer la charia, ce qu'il n'était pas du tout.
00:36:43
Speaker
Lorsqu'il devient président de la Bosnie en 1990,
00:36:46
Speaker
Il n'est pas un chef de guerre mais un homme de compromis, convaincu que Croates, Serbes et musulmans peuvent continuer à vivre ensemble dans un même état.
00:36:53
Speaker
Mais l'histoire va le rattraper.
00:36:55
Speaker
Face aux ambitions de Milosevic et de Tudjman, son rêve de Bosnie multiethnique se brise.
00:36:59
Speaker
La République n'a pas d'armée digne de ce nom, seulement des volontaires et quelques policiers mal armés.
00:37:04
Speaker
En face, Radovan Karadzic, chef du parti démocratique serbe, le SDS,
00:37:09
Speaker
proclame la création de la Republika Srpska, la république serbe de Bosnie.
00:37:13
Speaker
Son projet est clair, il veut rattacher les zones serbes à Belgrade pour construire une grande Serbie.
00:37:18
Speaker
Psychiatre de formation, poète athée, il devient le chef des serbes de Bosnie.
00:37:23
Speaker
Soutenu par Belgrade et par l'armée yougoslave, il sera l'un des grands architectes du nettoyage ethnique.
00:37:28
Speaker
A ses côtés, il a un homme redoutable, le général Radko Mladic, ancien officier de la JNA qui prend le commandement de l'armée serbe de Bosli.
00:37:37
Speaker
Ensemble, Karadzic et Mladic orchestrent le siège de Sarajevo et les campagnes de nettoyage ethnique.
00:37:43
Speaker
Et au-dessus d'eux, en arrière-plan,
00:37:45
Speaker
Slobodan Milosevic, président de la Serbie, continue de tirer les ficelles.
00:37:49
Speaker
Officiellement, il affirme que la Bosnie est une affaire interne.
00:37:53
Speaker
En réalité, Belgrade finance, arme et conseille les Serbes de Bosnie tout en maintenant une ambiguïté qui brouille la lecture du conflit à l'étranger.
00:38:01
Speaker
L'offensie serbe est alors massive.
00:38:03
Speaker
Au printemps, les villes et villages du nord et de l'est sont attaqués.
00:38:07
Speaker
L'objectif est double, relier les zones serbes pour former un territoire continu et en expulser les populations non serbes.
00:38:14
Speaker
C'est une nouvelle purification ethnique ordonnée une fois de plus par la Serbie.
00:38:18
Speaker
Après la Croatie, c'est au tour de la Bosnie.
00:38:21
Speaker
Les habitants sont chassés, les maisons brûlées, les mosquées et les églises catholiques rasées.
00:38:25
Speaker
Dès le mois d'avril, on assiste à des massacres de civils comme à Bijeljina ou à Korazac.
00:38:31
Speaker
Dans la région de Priédor, des dizaines de villages bosniaques disparaissent.
00:38:35
Speaker
Les hommes bosniaques ou croates sont enfermés dans des camps de concentration au régime terrible comme Manjaca ou dans des vrais camps de la mort comme Omaarska, Keraterm ou Boczko.
00:38:46
Speaker
Les viols sont nombreux, répétés, systématiques.
00:38:49
Speaker
Fuyant ces horreurs, des centaines de milliers de réfugiés afflutent en Croatie ou dans les zones encore libres de Bosnie comme à Srebrenica.
00:38:56
Speaker
C'est le résultat recherché.
00:38:57
Speaker
Sarajevo de son côté résiste mais vit l'enfer.
00:39:00
Speaker
La ville est coupée du monde, privée d'eau, d'électricité, bombardée quotidiennement.
00:39:05
Speaker
Sortir dans la rue, c'est risquer de mourir sous le tir d'un sniper.
00:39:08
Speaker
Une avenue entière prend un nom terrible, Sniper Allée.
00:39:12
Speaker
Et le monde découvre ses images à la télévision.
00:39:15
Speaker
Sarajevo devient le symbole d'une population civile abandonnée.
00:39:20
Speaker
Et le 2 mai 1992, un épisode incroyable se déroule à Sarajevo.
00:39:25
Speaker
Alia Izetbegovic, président de la Bosnie, revient d'un voyage à Lisbonne il participait à des négociations de paix.
00:39:31
Speaker
Son avion se pose à l'aéroport de Sarajevo, mais à ce moment-là, l'aéroport est sous le contrôle de l'armée yougoslave.
00:39:37
Speaker
Et dès qu'il sort de l'avion, il est arrêté.
00:39:40
Speaker
Le président bosniaque est immédiatement emmené dans une caserne militaire et retenu prisonnier avec sa fille.
00:39:46
Speaker
Sarajevo est déjà encerclé, les combats font rage et le chef de l'état se retrouve littéralement aux mains de l'ennemi.
00:39:53
Speaker
Pendant des heures, personne ne sait ce qu'il va advenir de lui.
00:39:56
Speaker
Finalement, grâce à des pressions internationales et après d'intenses négociations, un accord est trouvé.
00:40:01
Speaker
Le 3 mai, Izetbegovic est libéré en échange de garanties données aux militaires yougoslaves afin de leur permettre de quitter certaines positions à l'intérieur même de Sarajevo.
00:40:11
Speaker
La scène est chaotique, échange de tirs, troupe en mouvement, civil en panique, mais Izetbegovic retrouve finalement ses partisans.
00:40:18
Speaker
Sur le plan politique, à Belgrade, les Serbes institutionnalisent leur pouvoir.
00:40:22
Speaker
Le 27 avril 1992, la disparition de l'ancienne République Socialiste Fédérale de Yougoslavie est actée à sa place et proclamée la République Fédérale de Yougoslavie réduite à la Serbie et au Monténégro.
00:40:35
Speaker
La République Serbe de Bosnie-Herzégovine, englobant les régions de Bosnie sous contrôle serbe, devient donc la République Asarovska avec pour président Radovan Karadzic.
00:40:44
Speaker
La République Asovska et la République fédérale de Yougoslavie sont donc officiellement deux états séparés.
00:40:49
Speaker
Seul le premier se bat en Bosnie, le second est censé être neutre.
00:40:53
Speaker
Mais en réalité, la JNA laisse sur place tout son armement et ses officiers serbes qui passent alors sous les ordres de Karadzic et de Mladic.
00:41:01
Speaker
La fiction d'une guerre civile bosnienne est installée.
00:41:04
Speaker
Les violences commises par le camp Serb ne sont découvertes que progressivement par l'opinion mondiale, mais elles finissent par provoquer une violente indignation.
00:41:11
Speaker
Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent dans les pays occidentaux pour demander que les agresseurs soient mises hors d'état de nuire.
00:41:17
Speaker
Mais les gouvernements ne veulent pas d'une action de force.
00:41:19
Speaker
Ils comptent sur la négociation pour mettre fin au conflit et, en attendant, sur des palliatifs pour atténuer les souffrances.
00:41:25
Speaker
Le palliatif, c'est avant tout l'action humanitaire dont le coup d'envoi est donné avec éclat par le voyage de François Mitterrand à Sarajevo le 28 juin 1992.
00:41:35
Speaker
Au lendemain de cette visite et par décision de l'ONU, l'aéroport de Sarajevo est ouvert et des casques bleus sont dispersés un peu partout en Bosnie, principalement dans des zones hors du contrôle des Serbes afin d'assurer l'acheminement des aides humanitaires.
00:41:48
Speaker
Alors que la Bosnie-Herzégovine vient tout juste de proclamer son indépendance,
00:41:51
Speaker
Les Croates et Bosniaques combattent encore côte à côte contre les forces serbes.
00:41:55
Speaker
Mais derrière cette alliance fragile, la méfiance grandit.
00:41:59
Speaker
Zagreb et surtout Frenjo Tudjman n'ont jamais caché leur vision d'un futur partage de la Bosnie.
00:42:04
Speaker
Une partie pour les Serbes, une partie pour les Croates, et tant pis pour l'idée d'un état bosnien uni.
00:42:09
Speaker
Un accord secret aurait d'ailleurs été signé entre lui et Milosevic pour le partage de la Bosnie-Herzégovine à Karadziordjevo.
00:42:16
Speaker
Cette logique se traduit rapidement sur le terrain.
00:42:18
Speaker
Le 3 juillet 1992, les Croates de Bosnie proclament la Communauté Croate de Herzeg Bosna.
00:42:25
Speaker
Officiellement, c'est une entité chargée de coordonner l'administration et la défense des Croates de Bosnie.
00:42:30
Speaker
Mais dans les faits, c'est déjà une structure parallèle, un état dans l'état qui prépare l'annexion future de ces territoires à la Croatie.
00:42:38
Speaker
Pour l'instant, le HVO, l'armée croate de Bosnie, continue de coopérer avec les forces bosniaques contre l'ennemi commun, les serbes.
00:42:45
Speaker
Mais l'ambiguïté est là.
00:42:46
Speaker
Dans certaines zones, notamment en Herzégovine, les croates privilégient déjà leurs propres intérêts territoriaux.
00:42:53
Speaker
Les bosniaques, eux, espèrent toujours préserver une Bosnie unie et multiethnique, mais ils voient bien que leur allié croate sera sur une autre route.
00:43:00
Speaker
L'ONU de son côté vote des sanctions économiques contre la Serbie qui plonge alors Belgrade dans une crise profonde.
00:43:05
Speaker
Mais cela ne suffit pas à arrêter son effort de guerre.
00:43:08
Speaker
Pire, l'embargo sur les armes décidées en 1991 reste en place.
00:43:13
Speaker
Sur le papier, il s'applique à tout le monde.
00:43:15
Speaker
Dans les faits, il pénalise surtout les bossyac qui n'ont rien alors que les serbes disposent déjà de tout l'arsenal de l'armée fédérale.
00:43:21
Speaker
C'est un déséquilibre tragique, les victimes sont privées du droit de se défendre.
00:43:25
Speaker
Un nouvel acteur entre alors en scène dans la garde bosnie à partir de la fin de l'année 92, l'arrivée de combattants étrangers qu'on appelle les Moudjahidines.
00:43:33
Speaker
Ce terme désigne des volontaires musulmans étrangers qui se considèrent engagés dans une lutte armée pour combattre aux côtés des musulmans bosniaques.
00:43:40
Speaker
Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que leur présence n'a pas commencé directement par les armes.
00:43:44
Speaker
Au départ, ce sont donc des organisations islamiques venues du Moyen-Orient, d'Arabie Saoudite, du Koweït et du Pakistan qui débarquent en Bosnie sous couvert d'aide humanitaire.
00:43:52
Speaker
Elles apportent des camions remplis de nourriture, de vêtements, de médicaments.
00:43:56
Speaker
Dans une Sarajevo assiégée et isolée les Occidentaux se limitent à des gestes symboliques, cette aide est alors bien accueillie.
00:44:02
Speaker
On construit aussi des mosquées, on distribue des exemplaires du Coran, on parle de solidarité musulmane face à la souffrance des bosniaques.
00:44:08
Speaker
Mais très vite, dans ces convois humanitaires, il n'y a pas que des caisses de médicaments.
00:44:12
Speaker
Il y a aussi des volontaires armés, des combattants venus d'Afghanistan, d'Algérie, d'Egypte, du Yémen ou encore d'Arabie Saoudite.
00:44:18
Speaker
Certains avaient déjà participé au djihad contre l'armée rouge en Afghanistan dans les années 80, un conflit les Etats-Unis eux-mêmes avaient soutenu et financé les Moudjahidines contre les Soviétiques.
00:44:28
Speaker
Après la fin de cette guerre, ces réseaux se sont redéployés et la Bosnie devient pour eux un nouveau champ de bataille.
00:44:34
Speaker
Alors leur nombre reste limité au début, quelques centaines, peut-être un millier.
00:44:38
Speaker
Les premiers groupes arrivent dès l'été 92, souvent en passant par la Croatie.
00:44:43
Speaker
On les retrouve alors surtout dans la région de Zenica, à Travnik ou dans le centre de la Bosnie.
00:44:48
Speaker
Mais leur impact est surtout symbolique et politique.
00:44:51
Speaker
Pour les bosniaques assiégés, c'est un signe qu'ils ne sont pas totalement seuls.
00:44:54
Speaker
Pour les serbes et les croates, c'est une aubaine.
00:44:55
Speaker
Ils brandissent leur présence comme une preuve qu'Izé Begovic veut islamiser la Bosnie et qu'il prépare un état islamique au cœur de l'Europe.
00:45:03
Speaker
Cette image sera d'ailleurs utilisée pour légitimer la guerre et mobiliser l'opinion serbe et internationale contre Sarajevo.
00:45:10
Speaker
Pour les occidentaux, c'est une source de malaise car cette arrivée de combattants étrangers complique encore un conflit déjà explosif.
00:45:16
Speaker
En 1992,
00:45:18
Speaker
On est encore dans cette phase de transition entre aide humanitaire réelle et implantation progressive de groupes armés étrangers.
00:45:24
Speaker
Mais c'est une dynamique qui va prendre de l'ampleur dans les années suivantes et qui jouera un rôle important autant dans la guerre que dans la perception internationale de la Bosnie.
00:45:33
Speaker
A la fin de l'année, un pas important est franchi sur le plan du droit international.
00:45:37
Speaker
L'ONU met en place une commission d'experts pour documenter les crimes.
00:45:41
Speaker
Ces travaux mèneront jusqu'à la date du 25 mai 1993
00:45:45
Speaker
le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté la résolution 827 portant création du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
00:45:53
Speaker
Pour la première fois depuis Nuremberg, un tribunal international est chargé de juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les crimes de génocide.
00:46:01
Speaker
Mais encore, c'est une promesse à long terme.
00:46:03
Speaker
Aucune arrestation n'aura lieu avant 1996.
00:46:05
Speaker
Sur le moment, les bourreaux continuent leur œuvre.
00:46:09
Speaker
1992, c'est donc l'année la Yougoslavie cesse définitivement d'exister comme fédération.
00:46:14
Speaker
La Slovénie est sortie du jeu.
00:46:15
Speaker
La Croatie est exsangue mais indépendante et la Bosnie est en flamme.
00:46:20
Speaker
Les Serbes contrôlent deux tiers du pays.
00:46:22
Speaker
Les Croates tiennent l'Herzégovine et les Bosniaques mal armés tentent de survivre à Sarajevo et dans quelques enclaves.
00:46:28
Speaker
La communauté internationale, elle, continue de négocier comme si tout cela n'était qu'une crise passagère.
00:46:33
Speaker
Mais sur le terrain, la logique n'est plus celle du compromis, c'est celle de la conquête et de l'épuration.
00:46:39
Speaker
1992, c'est l'année le monde entier découvre que dans les Balkans, la guerre est de retour en Europe, et que cette guerre n'est pas une querelle locale, mais une tragédie qui va bouleverser tout un continent.
00:46:54
Speaker
En 1993, la guerre semble s'enliser dans une impasse.
00:46:58
Speaker
Les fronts ne bougent presque plus, mais la violence continue.
00:47:01
Speaker
C'est une guerre de position, de siège, de nettoyage ethnique.
00:47:04
Speaker
Et c'est aussi une année les alliances basculent.
00:47:06
Speaker
En Bosnie, les serbes contrôlent déjà deux tiers du territoire.
00:47:10
Speaker
Le reste est censé être tenu par une alliance entre croates et bosniaques.
00:47:13
Speaker
Mais cette alliance, elle va exploser.
00:47:15
Speaker
Depuis le début,
00:47:16
Speaker
Frenjo Tudjman, président de la Croatie, n'a jamais caché son ambiguïté.
00:47:20
Speaker
D'un côté, il soutient Izetbegovic face aux Serbes.
00:47:23
Speaker
De l'autre, il rêve d'annexer une partie de la Bosnie pour agrandir la Croatie.
00:47:28
Speaker
En 1993, les tensions se transforment alors en guerre ouverte.
00:47:32
Speaker
Le 9 mai, les croates du HVO lancent une offensive massive contre leurs anciens alliés bosniaques.
00:47:37
Speaker
A Mostar, la ville est coupée en deux, l'ouest tenu par les croates, l'est par les bosniaques.
00:47:43
Speaker
Le symbole de la ville devient lui aussi une cible.
00:47:45
Speaker
Depuis des mois, les forces croates du HVO bombardent sans relâche la vieille ville tenue par les bosniaques.
00:47:51
Speaker
Et au cœur de ce quartier se dresse le vieux pont ottoman, le Starimost, construit au XVIe siècle par l'architecte Mimar Ayroudin.
00:47:59
Speaker
Pour les habitants, il n'est pas seulement un passage au-dessus de la Neretva, c'est un lien entre les communautés, un repère identitaire, presque un membre de la famille.
00:48:09
Speaker
Le 8 novembre 1993, dans l'après-midi, les tirs redoublent.
00:48:13
Speaker
Vers 16h, les caméras locales enregistrent les impacts des obus sur l'arche du pont.
00:48:18
Speaker
Les pierres tremblent, des morceaux se détachent, mais la structure tient encore debout.
00:48:22
Speaker
La nuit tombe sur une silhouette déjà vacillante.
00:48:26
Speaker
Le lendemain matin, 9 novembre, les bombardements reprennent et à 10h16, sous les yeux de journalistes et de dizaines d'habitants terrés dans les ruelles voisines, l'arche cède.
00:48:36
Speaker
Le pont s'effondre dans la rivière dans un bruit sourd.
00:48:40
Speaker
En quelques secondes, Mostar perd l'un de ses plus anciens symboles.
00:48:44
Speaker
Les images de cette chute font le tour du monde.
00:48:46
Speaker
Elles incarnent la brutalité du conflit, mais aussi une volonté claire, effacer le patrimoine commun pour mieux creuser les fractures entre communautés.
00:48:55
Speaker
Le pont qui pendant des siècles avait uni les rives de la Neretva devient à son tour victime du siège et du nettoyage ethnique.
00:49:04
Speaker
Plus au nord, en Bosnie centrale, c'est une gare de villages, de hameaux, avec des massacres réciproques.
00:49:09
Speaker
Le 19 avril, à Amici, plus d'une centaine de civils bosniaques sont massacrés par les croates et ils créent des camps de concentration comme Dretely ou l'héliodrome de Mostar au régime impitoyable.
00:49:21
Speaker
Plusieurs rapports signalent des atrocités commises aussi par des groupes de Moudjahidine contre des civils croates.
00:49:27
Speaker
Le massacre de Miletici et Bikoshi en avril 1993 est souvent cité.
00:49:32
Speaker
Plusieurs dizaines de croates auraient été exécutés et maltraités.
00:49:36
Speaker
En septembre, ce sont des croates qui sont tués à Ouzdol par les bosniaques.
00:49:40
Speaker
Chacun accuse l'autre de trahison et les atrocités s'accumulent.
00:49:43
Speaker
Je ne vais pas entrer dans le détail de toutes ces atrocités, mais il faut retenir une chose.
00:49:48
Speaker
Dans cette guerre, aucun camp n'est resté innocent.
00:49:51
Speaker
Serbes, Croates, Bosniaques et même les volontaires étrangers venus se battre, tous ont été responsables de crimes contre les civils.
00:49:59
Speaker
Et dans ce paysage déjà chaotique, une nouvelle figure va compliquer encore la situation du côté bosniaque.
00:50:05
Speaker
Fikret Abdic.
00:50:06
Speaker
Avant la guerre, Abdic est une sorte de mania local.
00:50:10
Speaker
A Velika Kladusha, une petite ville du nord-ouest de la Bosnie, il a fait fortune avec Agrocommerch, une immense entreprise agroalimentaire qui emploie des milliers de personnes.
00:50:19
Speaker
Là-bas, tout le monde lui doit quelque chose, un salaire, un logement, parfois même la nourriture sur la table.
00:50:24
Speaker
On l'appelle le roi de Velika Kladusha.
00:50:27
Speaker
En 1990, lors des premières élections libres, Abdic surprend tout le monde.
00:50:31
Speaker
Il obtient plus de voix qu'Aliya Izetbegovic, mais par un accord interne, c'est ce dernier qui devient alors président de la Bosnie.
00:50:38
Speaker
Abdic ravale sa frustration, mais il n'oublie pas.
00:50:41
Speaker
Au début de la guerre, il soutient encore Sarajevo.
00:50:43
Speaker
Mais en 1993, coup de théâtre, il fait sécession et proclame une république autonome de Bosnie occidentale autour de Velika Kladusha.
00:50:52
Speaker
Ces forces se battent contre l'armée bosniaque officielle.
00:50:55
Speaker
Pour tenir, il s'appuie sur l'aide économique des croates et sur la protection militaire des serbes.
00:51:00
Speaker
Concrètement, il tourne le dos à Izetbegovic, qu'il accuse d'entraîner la Bosnie dans une guerre perdue d'avance.
00:51:05
Speaker
Et sa décision divise encore plus le camp bosniaque.
00:51:08
Speaker
Au lieu de se battre uniquement contre les serbes et les croates, l'armée de Sarajevo doit aussi gérer cette trahison interne.
00:51:14
Speaker
Après la guerre, Abdic sera condamné pour crimes de guerre, notamment pour avoir emprisonné et maltraités des bosniaques restés fidèles à Izetbegovic.
00:51:22
Speaker
Mais malgré cela, il gardera une popularité incroyable dans sa région, assez pour redevenir maire de Velika Kladusha après sa sortie de prison.
00:51:30
Speaker
Preuve que pour certains, il reste avant tout celui qui avait su leur donner du travail et une prospérité locale avant que la guerre n'emporte tout.
00:51:37
Speaker
Et à Sarajevo, le siège continue, les obus tombent quotidiennement, les snipers visent les civils, l'hiver est terrible.
00:51:45
Speaker
La population survit grâce aux convois humanitaires escortés par l'ONU, mais les casques bleus n'ont toujours pas le droit d'intervenir.
00:51:51
Speaker
Ils assistent impuissants à une guerre qui les dépasse.
00:51:54
Speaker
Sarajevo en 1993, c'est une ville assiégée, coupée du monde.
00:51:59
Speaker
Plus de 300 000 habitants enfermés, encerclés par les forces serbes.
00:52:03
Speaker
Comme on le disait, sans eau, sans électricité, sans accès aux routes.
00:52:07
Speaker
Les avions humanitaires atterrissent bien à l'aéroport, mais il est sous contrôle de l'ONU et entouré de positions serbes.
00:52:13
Speaker
Traverser, c'est quasiment un aller simple pour la mort.
00:52:16
Speaker
Alors, les bosniaques imaginent l'impossible.
00:52:20
Speaker
creuser un tunnel sous la piste de l'aéroport.
00:52:23
Speaker
Un projet fou, réalisé en secret à coups de pelle et de brouettes.
00:52:27
Speaker
En trois mois, entre mars et juin 1993, ils percent près de 800 mètres de terre et de boue dans des conditions épouvantables.
00:52:36
Speaker
Pas de lumière, de l'eau jusqu'aux chevilles, parfois jusqu'aux genoux et à peine la place de passer pliée en deux.
00:52:42
Speaker
Le 30 juin 1993, le tunnel est enfin opérationnel et pour Sarajevo, c'est une bouffée d'air.
00:52:49
Speaker
Par ce passage souterrain, on fait passer des vivres, des médicaments, mais aussi des armes et des munitions.
00:52:54
Speaker
Les blessés y sont évacués, les responsables politiques y circulent, parfois même sur des rails bricolés avec des chariots.
00:53:00
Speaker
Ce tunnel ne fait pas disparaître le siège, mais il empêche la ville de tomber.
00:53:04
Speaker
Il devient un symbole de résistance, l'incarnation de la débrouille et de la volonté de survivre.
00:53:09
Speaker
Aujourd'hui encore, une partie a été conservée en musée et beaucoup de Sarajeviens le voient comme le cœur battant de leur survie.
00:53:16
Speaker
Sur le plan diplomatique, les négociations s'enchaînent.
00:53:19
Speaker
Trois grands plans de paix sont proposés en 1992 et 1993.
00:53:21
Speaker
D'abord, le plan Coutillero qui prévoyait une Bosnie divisée en trois cantons ethniques, refusés par Izetbegovic.
00:53:29
Speaker
Ensuite,
00:53:30
Speaker
Le plan Vance Owen qui imagine 10 provinces pour tenter de conserver un état bosnien.
00:53:35
Speaker
Ce plan fut alors refusé par le parlement de la républica Srpska puis par un référendum des serbes de Bosnie.
00:53:40
Speaker
Puis enfin le plan Owen Stoltenberg qui va encore plus loin en proposant de transformer la Bosnie en trois républiques susceptibles un jour de se séparer.
00:53:49
Speaker
Ce plan fut alors rejeté par les bosniaques.
00:53:51
Speaker
Tous ces plans échouent.
00:53:52
Speaker
Les bosniaques refusent tout plan qui consacre la division du pays.
00:53:56
Speaker
Les serbes, quant à eux, refusent tout plan qui leur demande de rendre du territoire.
00:53:59
Speaker
Et les croates, quant à eux, jouent un double rôle permanent.
00:54:03
Speaker
Mais pendant que les diplomates dessinent des cartes, la guerre, elle, continue.
00:54:06
Speaker
En Croatie, le front reste gelé.
00:54:08
Speaker
Un tiers du pays est toujours occupé par les Serbes de Krajina, soutenu par Belgrade.
00:54:13
Speaker
Les forces croates ne sont pas encore prêtes pour une reconquête.
00:54:16
Speaker
L'ONU, avec son plan Vence, déploie des casques bleus dans ces zones censées être démilitarisées.
00:54:21
Speaker
Mais en réalité, les milices serbes y restent armés et la Croatie est amputée de facto d'une grande partie de son territoire.
00:54:28
Speaker
1993, c'est donc une année de blocage.
00:54:31
Speaker
Les serbes sont affaiblis par les sanctions économiques mais gardent la supériorité militaire.
00:54:36
Speaker
Les croates consolident leur position tout en se battant contre les bosniaques.
00:54:39
Speaker
Et les bosniaques, eux, sont pris en étau, combattant sur deux fronts à la fois.
00:54:43
Speaker
La communauté internationale, elle, continue de croire à la négociation.
00:54:47
Speaker
On multiplie les conférences, les médiateurs, les plans de paix, mais rien ne marche.
00:54:51
Speaker
Et sur le terrain, la guerre devient une guerre de tous contre tous les civils payent le prix fort.
00:55:01
Speaker
1994, c'est une année étrange dans les guerres du Go-Slavie.
00:55:05
Speaker
D'un côté, la guerre continue, les massacres aussi.
00:55:07
Speaker
Mais de l'autre, on sent que le rapport de force commence à bouger lentement.
00:55:11
Speaker
En Bosnie, les lignes de front ne changent presque pas.
00:55:14
Speaker
Les Serbes tiennent toujours deux tiers du pays, encerclent Sarajevo et bombardent les enclaves bosniaques.
00:55:19
Speaker
Les Croates contrôlent l'Herzégovine occidentale et une partie de la Bosnie centrale.
00:55:23
Speaker
Les Bosniaques, eux, résistent, mal armés, mais plus nombreux et de mieux en mieux organisés.
00:55:29
Speaker
Pourtant pour les civils, rien ne s'améliore.
00:55:31
Speaker
Le siège de Sarajevo continue.
00:55:33
Speaker
Chaque jour, des obus tombent sur les marchés, les écoles, les hôpitaux.
00:55:37
Speaker
Et le 5 février, on assiste à un premier tournant.
00:55:39
Speaker
Un obus serbe s'abat sur le marché de Markale, en plein centre-ville.
00:55:45
Speaker
68 personnes sont tuées sur le coup et 144 sont blessées.
00:55:49
Speaker
Les images font une nouvelle fois le tour du monde.
00:55:51
Speaker
Officiellement, pour l'ONU et les médias occidentaux, les tirs venaient des positions serbes qui encerclaient Sarajevo.
00:55:56
Speaker
Mais immédiatement, les autorités serbes de Bosnie accusent les bosniaques.
00:56:00
Speaker
Ils affirment que ce sont eux-mêmes qui auraient tiré pour provoquer un choc médiatique
00:56:05
Speaker
et forcer l'OTAN à intervenir.
00:56:07
Speaker
Et cette version, aussi improbable qu'elle paraisse, elle a circulé jusque dans certaines capitales occidentales.
00:56:14
Speaker
En France par exemple, des journalistes sur TF1 se demandaient si les bosniaques n'avaient pas sacrifié leur propre population afin d'attirer l'opinion internationale.
00:56:24
Speaker
Mais les enquêtes menées ensuite par l'ONU, par l'OTAN et plus tard par le tribunal pénal international ont conclu que les obus venaient bien des positions serbes autour de Sarajevo.
00:56:32
Speaker
La responsabilité des forces de Karadzic ne fait aujourd'hui plus aucun doute.
00:56:36
Speaker
L'OTAN, sous forte pression américaine, lance alors son premier ultimatum aux serbes, retirer l'artillerie autour de Sarajevo.
00:56:43
Speaker
C'est la première fois que l'OTAN agit militairement de toute son histoire.
00:56:47
Speaker
Un répit de quelques semaines, puis les bombardements reprennent.
00:56:50
Speaker
Le 28 février 1994, un autre événement vient bouleverser le cours de la guerre.
00:56:55
Speaker
Ce jour-là, des avions serbes décollent de Banyaluka et bombardent Novitravnik, une ville tenue par les bosniaques.
00:57:01
Speaker
En théorie, c'est interdit.
00:57:03
Speaker
Depuis 1992, l'ONU avait instauré une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Bosnie.
00:57:08
Speaker
Mais jusque-là, personne ne la faisait vraiment respecter.
00:57:11
Speaker
Sauf que cette fois, l'OTAN décide d'agir.
00:57:13
Speaker
Des F-16 américains interceptent les avions serbes et en quelques minutes, 4 d'entre eux sont abattus.
00:57:18
Speaker
C'est un moment historique, c'est la première intervention militaire de l'OTAN de toute son existence.
00:57:23
Speaker
Le message est clair, les Serbes de Bosnie ne peuvent plus faire ce qu'ils veulent dans le ciel bosniaque, mais surtout, c'est un signe que l'Occident et en particulier les États-Unis commencent à s'impliquer directement dans la guerre.
00:57:35
Speaker
Pour beaucoup, c'est aussi la preuve que l'ONU seule est incapable de faire respecter ces décisions.
00:57:40
Speaker
Sans l'OTAN, ces résolutions resteraient lettres mortes.
00:57:43
Speaker
Dans les enclaves comme Srebrenica, Gorazde ou Biach, la situation est toujours aussi dramatique.
00:57:49
Speaker
L'ONU les a déclarées zones de sécurité, mais en pratique, elles restent sous blocus, bombardées régulièrement, dépendantes des convois humanitaires.
00:57:58
Speaker
Les casques bleus sont mais impuissants.
00:58:00
Speaker
Leur mandat ne leur permet pas de tirer.
00:58:02
Speaker
La population bosniaque, elle, elle est prise au piège.
00:58:05
Speaker
Les massacres et le siège de Sarajevo commencent à choquer l'opinion publique américaine.
00:58:10
Speaker
Des élus au congrès poussent pour lever l'embargo sur les armes en faveur des bosniaques.
00:58:14
Speaker
Officiellement, la Maison Blanche ne veut pas de guerre.
00:58:17
Speaker
Mais dans les faits, à partir de 1994 et l'élection de Bill Clinton, les américains font
00:58:22
Speaker
ferme les yeux sur des livraisons clandestines d'armes à la Bosnie via l'Iran et la Croatie.
00:58:26
Speaker
En parallèle, il commence aussi à entraîner l'armée croate par l'intermédiaire de sociétés privées de conseils militaires comme MPRI.
00:58:34
Speaker
Mais 1994 marque aussi un tournant politique.
00:58:37
Speaker
Après des mois de guerre fratricide entre Croates et Bosniaques, les Américains réussissent alors à réconcilier les deux camps afin d'isoler de l'autre côté les Serbes.
00:58:45
Speaker
La stratégie américaine est claire, faire pression sur Zagreb en brandissant la menace de sanctions tant que les Croates n'acceptent pas un accord avec les Bosniaques.
00:58:53
Speaker
Et le 18 mars 1994, à Washington, ils signent un accord qui met fin au combat et créé une fédération croato-bosniaque.
00:59:02
Speaker
Sur le papier, c'est un état commun regroupant Croates et Bosniaques censé coexister avec la républica Sarska.
00:59:08
Speaker
Dans les faits, cette fédération restera largement théorique mais l'essentiel est ailleurs.
00:59:12
Speaker
La guerre triangulaire devient alors une guerre à deux camps.
00:59:15
Speaker
Désormais, Bosniak et Croate combattent ensemble contre les Serbes.
00:59:19
Speaker
Et derrière cet accord, il y a la main de Washington.
00:59:22
Speaker
Les États-Unis commencent à prendre la main sur la diplomatie balkanique, l'Europe a échoué.
00:59:27
Speaker
Pendant ce temps, les serbes continuent de se présenter comme les maîtres du terrain, mais la réalité est un peu plus compliquée.
00:59:33
Speaker
Ils tiennent toujours la majorité de la Bosnie, mais leur population est numériquement inférieure, leur économie étouffe sous les sanctions et leur armée est dispersée sur un front immense.
00:59:43
Speaker
Redovan Karadzic et Ratko Mladic croient encore à la victoire totale, mais Slobodan Milosevic, lui, commence à réfléchir différemment.
00:59:50
Speaker
Isolé, sanctionné, affaibli économiquement, il comprend qu'il ne pourra pas tenir indéfiniment.
00:59:56
Speaker
Il commence alors à envisager un compromis, au moins pour gagner du temps.
00:59:59
Speaker
En avril 1994, Radovan Karadzic et Ratko Mladic décident alors de tester la volonté internationale en attaquant l'enclave de Gorazde, pourtant déclarée zone de sécurité par l'ONU.
01:00:11
Speaker
D'après une note déclassifiée du ministère français de la Défense,
01:00:14
Speaker
Cette attaque avait aussi pour but d'effacer l'humiliation subie lors de l'ultimatum de Sarajevo.
01:00:19
Speaker
Une vingtaine de Serbes, dont un proche de Mladic, y auraient aussi été retenus prisonniers par les bosniaques.
01:00:25
Speaker
Toujours d'après cette note, l'ordre d'attaqué serait venu directement de Milosevic à Mladic, une version discutée mais qui montre à quel point Belgrade restait impliqué en arrière-plan.
01:00:35
Speaker
Les combats s'intensifient dès le 10 avril.
01:00:37
Speaker
L'OTAN, pour la première fois de son histoire, lance des frappes aériennes contre des positions serbes ciblant quelques blindés et batteries.
01:00:44
Speaker
En représailles, les forces serbes prennent plusieurs dizaines de casques bleus en otage et menacent de les exécuter si les frappes continuent.
01:00:52
Speaker
Après plusieurs jours de tension, un cessez-le-feu est conclu le 23 avril.
01:00:56
Speaker
Mais l'épisode a montré les limites de l'ONU et de l'OTAN.
01:00:59
Speaker
Les Serbes ont compris qu'en prenant les casques bleus en otage, ils pouvaient neutraliser toute intervention internationale.
01:01:06
Speaker
A partir de l'été 1994, un nouvel acteur va changer le cours de la guerre.
01:01:10
Speaker
Et il s'appelle le groupe de contact.
01:01:12
Speaker
Créé par les grandes puissances, Etats-Unis, France, Russie, Royaume-Uni, Allemagne et Italie, il propose une nouvelle carte de la Bosnie.
01:01:19
Speaker
L'idée est simple, 51% du territoire pour la fédération croato-bosniaque, 49% pour la république asobska.
01:01:25
Speaker
C'est un compromis qui reconnaît de facto les conquêtes serbes mais qui oblige aussi à leur rendre une partie des territoires pris par la force.
01:01:31
Speaker
Les Bosniaks acceptent malgré leur colère car c'est la seule chance d'obtenir un soutien international.
01:01:36
Speaker
Les Croates acceptent aussi.
01:01:37
Speaker
Mais les Serbes refusent catégoriquement.
01:01:39
Speaker
Pour Karadzic et Mladic, céder un seul kilomètre carré est impensable.
01:01:44
Speaker
Le plan échoue mais ils fixent pour la première fois une base claire qui restera celle de toutes les négociations jusqu'à Dayton.
01:01:51
Speaker
Sur le terrain pourtant, les rapports de force commencent à changer.
01:01:54
Speaker
Les Serbes tiennent toujours la majorité de la Bosnie mais leur armée est épuisée.
01:01:58
Speaker
Elle contrôle un immense territoire avec trop peu d'hommes pour défendre toutes les lignes.
01:02:02
Speaker
Les sanctions économiques étranguent Belgrade.
01:02:04
Speaker
L'approvisionnement en armes devient plus compliqué.
01:02:07
Speaker
Et l'armée bosniaque, malgré le blocus, gagne en organisation.
01:02:10
Speaker
De petites victoires locales apparaissent.
01:02:12
Speaker
signe que la dynamique n'est plus totalement à sens unique.
01:02:15
Speaker
En Croatie, la situation reste figée.
01:02:17
Speaker
Un tiers du pays, la fameuse Krajina, est toujours sous contrôle serbe, protégée par l'ONU.
01:02:22
Speaker
Mais à Zagreb, Frenjot Udjman prépare sa revanche.
01:02:26
Speaker
Fort du soutien des États-Unis et discrètement, grâce à l'aide d'anciens officiers américains regroupés dans une société militaire privée, la MPRI, l'armée croate se modernise, s'entraîne et prépare à une reconquête méthodique.
01:02:38
Speaker
La grande contre-offensive, celle qu'on appellera Opération Tempête, se prépare déjà en arrière-plomb.
01:02:43
Speaker
Du côté international, 1994 montre aussi les limites de l'ONU.
01:02:47
Speaker
Deux commandants de la Fort-Pronue, le français Jean Cotte et le belge Francis Bricmont, démissionnent en dénonçant l'impuissance à laquelle ils sont réduits.
01:02:55
Speaker
Ils sont censés protéger les civils
01:02:57
Speaker
Mais sans moyens ni mandats offensifs, ils ne peuvent rien faire.
01:03:00
Speaker
A chaque massacre, on se contente de protestations, d'ultimatums ou de frappes aériennes symboliques.
01:03:05
Speaker
Mais aucune stratégie claire n'existe encore.
01:03:08
Speaker
Et derrière cette évolution, il y a une autre nouveauté, l'Amérique.
01:03:11
Speaker
Depuis l'accord de Washington en mars qui a réconcilié Croates et Bosniaques, les États-Unis prennent peu à peu le leadership diplomatique.
01:03:18
Speaker
L'Europe divisée et impuissante perd la main.
01:03:20
Speaker
Washington impose désormais le rythme.
01:03:23
Speaker
Pression politique, soutien discret, menace militaire.
01:03:26
Speaker
En cette fin de 1994, rien n'a encore changé pour les civils.
01:03:29
Speaker
Sarajevo est toujours assiégé.
01:03:31
Speaker
Les enclaves vivent toujours sous la menace d'un massacre.
01:03:34
Speaker
Les casques bleus restent impuissants.
01:03:35
Speaker
En apparence, la guerre est figée.
01:03:37
Speaker
En réalité, les lignes bougent lentement en faveur de Zagreb et de Sarajevo.
01:03:42
Speaker
Les équilibres stratégiques sont en train de basculer.
01:03:45
Speaker
Pour la première fois depuis trois ans, les serbes sentent que leur victoire totale n'est peut-être plus possible.
01:03:51
Speaker
En résumé, 1994, c'est l'année la guerre semble s'enliser, mais les grandes lignes du futur basculement apparaissent.
01:03:57
Speaker
La réconciliation croato-bosniaque change la donne.
01:04:00
Speaker
Les Etats-Unis commencent à imposer leur rôle, tandis que Milosevic, affaibli, réfléchit déjà à un compromis.
01:04:06
Speaker
Mais sur le terrain, rien ne change pour les civils.
01:04:09
Speaker
Sarajevo est toujours encerclé, les enclaves toujours menacées et les massacres continuent.
01:04:14
Speaker
L'impression générale, c'est celle d'une guerre sans fin.
01:04:21
Speaker
1995, c'est l'année la guerre de Bosnie atteint son paroxysme et pour la première fois, la communauté internationale décide vraiment d'agir.
01:04:30
Speaker
En janvier, le front paraît figé.
01:04:32
Speaker
Les serbes tiennent toujours environ 70% de la Bosnie.
01:04:35
Speaker
Sarajevo reste assiégé.
01:04:36
Speaker
Les enclaves bosniaques vivent sous la menace permanente.
01:04:39
Speaker
Mais derrière cette apparente stabilité, les lignes commencent à bouger.
01:04:43
Speaker
L'armée bosniaque est désormais mieux structurée, mieux entraînée et surtout mieux équipée grâce aux filières clandestines d'armes.
01:04:49
Speaker
Cette amélioration tombe pas du ciel.
01:04:51
Speaker
Elle est le fruit d'un réseau complexe d'aides venus de plusieurs horizons malgré l'embargo international sur les armes.
01:04:57
Speaker
Côté occidental, les États-Unis jouent un rôle ambigu.
01:05:00
Speaker
Officiellement, Washington soutient l'embargo, mais dans les faits, à partir de 1994, l'administration Clinton ferme les yeux sur des livraisons d'armes transitant par la Croatie.
01:05:10
Speaker
Dans le même temps, une société militaire privée américaine, la MPRI, Military Professional Resources Incorporation, composée d'anciens officiers de l'armée américaine, prend en charge l'entraînement de l'armée croate.
01:05:22
Speaker
Or, à partir de l'alliance croato-bosniaque en 1994, ses compétences et ses armes profitent aussi aux bosniaques.
01:05:29
Speaker
Mais l'aide ne vient pas seulement d'Occident.
01:05:31
Speaker
Plusieurs pays musulmans se mobilisent au nom de la solidarité islamique.
01:05:35
Speaker
L'Iran envoie clandestinement des armes, des fonds et des conseillers militaires.
01:05:38
Speaker
L'Arabie Saoudite, le Koweït ou encore les Émirats Arabes Unis financent des ONG qui acheminent nourriture, médicaments et parfois du matériel militaire.
01:05:47
Speaker
Le Pakistan fournit des armes et des instructeurs et la Turquie soutient Sarajevo diplomatiquement et logistiquement.
01:05:53
Speaker
Ces réseaux expliquent aussi l'arrivée de quelques centaines de combattants étrangers, les Moudjahidines dont on avait parlé, venus d'Afghanistan, d'Algérie, d'Egypte ou du Moyen-Orient, d'abord avec les convois humanitaires, puis comme volontaires dans certaines unités bosniaques.
01:06:05
Speaker
L'ensemble reste déséquilibré.
01:06:07
Speaker
L'armée serbe de Bosnie garde la supériorité en artillerie lourde et en blindée.
01:06:11
Speaker
Mais pour la première fois, les forces bosniaques peuvent espérer mener de vraies offensives locales.
01:06:16
Speaker
Et surtout, cette aide, aussi diverse que discrète, transforme la perception du conflit.
01:06:21
Speaker
Pour les serbes et pour Milosevic,
01:06:23
Speaker
elle nourrit le discours d'une islamisation de la guerre.
01:06:26
Speaker
Pour les occidentaux, elle souligne l'urgence d'intervenir directement au risque sinon de voir le conflit leur échapper.
01:06:32
Speaker
De leur côté, les croates se préparent à une grande offensive après des mois d'organisation et de soutien discret des américains.
01:06:39
Speaker
Mai 1995 marque un tournant dans la guerre de Bosnie.
01:06:42
Speaker
Depuis trois ans, la Republika Sofska, dirigée par Radovan Karadzic et son général Radko Mladic, a installé son gouvernement à Palais, une petite ville de montagne située à une quinzaine de kilomètres à l'est de Sarajevo.
01:06:54
Speaker
C'est depuis Palais que sont prises toutes les grandes décisions militaires et politiques et c'est que se concentre l'appareil de propagande serbe de Bosnie.
01:07:03
Speaker
Au début du mois de mai,

Siège de Sarajevo et intervention de l'OTAN

01:07:04
Speaker
le siège de Sarajevo entre dans une phase d'intensité nouvelle.
01:07:08
Speaker
Entre le 16 et le 24 mai, la ville est soumise à des bombardements d'une ampleur inédite.
01:07:13
Speaker
Obus d'artillerie, tir de mortier, rafale de sniper.
01:07:16
Speaker
Les casques bleus déployés pour protéger les habitants sont eux-mêmes visés.
01:07:20
Speaker
Plusieurs positions françaises et britanniques sont touchées et pour la première fois, des échanges de tirs directs ont lieu entre les forces serbes et les unités occidentales.
01:07:29
Speaker
A Paris comme à Londres, l'opinion commence à basculer, il n'est plus possible de rester passif.
01:07:33
Speaker
Puis vient un nouveau drame, celui du 25 mai.
01:07:36
Speaker
A Tuzla, une ville du nord de la Bosnie, jusque relativement épargnée par la guerre, des centaines de jeunes se sont rassemblés sur la place principale pour fêter cette date symbolique.
01:07:45
Speaker
Dans l'après-midi, un obus tiré par l'attiré serbe s'abat sur la foule.
01:07:49
Speaker
Le carnage est effroyable, 71 morts dont beaucoup d'adolescents et près de 130 blessés.
01:07:55
Speaker
L'émotion est immense.
01:07:56
Speaker
Pour beaucoup de Bosniens, ce massacre devient le symbole de l'horreur aveugle des bombardements serbes.
01:08:01
Speaker
L'OTAN réagit immédiatement.
01:08:03
Speaker
Pour la première fois depuis le début du conflit, elle frappe directement les dépôts de munitions serbes.
01:08:08
Speaker
Les 25 et 26 mai, des raids aériens visent des objectifs autour de Palais, la capitale politique de Karadzic.
01:08:15
Speaker
Les images montrent des explosions massives, des colonnes de fumée qui s'élèvent au-dessus des montagnes.
01:08:19
Speaker
Le message est clair, les forces serbes ne peuvent plus bombarder impunément.
01:08:23
Speaker
Mais la riposte serbe est brutale.
01:08:25
Speaker
Dans les heures qui suivent, les troupes de Mladic s'emprennent au casque bleu de la Fort Pronu.
01:08:29
Speaker
La nuit du 26 au 27 mai, une unité bosno-serbe déguisée en casque bleu s'empare du pont de Vrbania à Sarajevo.
01:08:37
Speaker
Des casques bleus français sont capturés.
01:08:39
Speaker
Cette fois, la Fort Pronu ne reste pas passive.
01:08:41
Speaker
Les français lancent alors la première riposte organisée par des casques bleus depuis le début de la guerre.
01:08:47
Speaker
Reprendre le poste d'observation sur la rive droite du pont au moyen d'une trentaine d'hommes.
01:08:52
Speaker
L'opération réussit au prix de deux morts côté français et 17 blessés.
01:08:56
Speaker
Quatre soldats serbes meurent au cours de l'opération.
01:08:58
Speaker
Après les raids aériens de l'OTAN, environ 380 soldats de l'ONU dont 103 françaises sont capturés.
01:09:05
Speaker
Ils sont enchaînés à des ponts, attachés à des pylônes électriques ou à des dépôts de munitions utilisés comme boucliers humains pour dissuader de nouvelles frappes aériennes.
01:09:15
Speaker
Les télévisions du monde entier diffusent ces images humiliantes, des soldats casqués, désarmés, ligotés, exposés comme des trophées par les milices de Karadzic.
01:09:24
Speaker
C'est un choc sans précédent.
01:09:26
Speaker
En France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, l'opinion publique est indignée.
01:09:29
Speaker
Comment accepter que des soldats envoyés au nom des Nations Unies soient traités ainsi?
01:09:33
Speaker
Pour les gouvernements occidentaux, c'est l'humiliation de trop.
01:09:36
Speaker
Beaucoup commencent à comprendre qu'il ne suffira plus de négocier et qu'il faudra, tôt ou tard, employer la force pour briser l'emprise des Serbes de Bosnie.
01:09:44
Speaker
Le 2 juin, 122 soldats de la paix sont libérés, le 7 juin 108 et le 13 juin, 28 autres ont été libérés.
01:09:50
Speaker
Les serbes de Bosnie ont ensuite exigé le retour des 4 soldats serbes capturés par les troupes de l'ONU le 27 mai lors de l'affrontement au pont de Vorbania, en échange de la libération des 26 otages de l'ONU restants.
01:10:02
Speaker
Malgré la demande de l'ONU pour la libération inconditionnelle des otages, elle a capitulé devant la pression des serbes de Bosnie, libérant les soldats serbes capturés au pont.
01:10:10
Speaker
Les

Chute de Srebrenica et échec de l'ONU

01:10:11
Speaker
troupes de l'ONU avaient également abandonné tous les points de collecte d'armes autour de Sarajevo, permettant ainsi aux forces serbes de Bosnie de récupérer les armes qui s'y trouvaient et d'intensifier le siège de Sarajevo.
01:10:21
Speaker
En échange, les serbes de Bosnie avaient libéré les derniers soldats de la paix de l'ONU le 18 juin.
01:10:26
Speaker
Mais le 11 juillet 1995, tout bascule.
01:10:30
Speaker
Srebrenica tombe.
01:10:31
Speaker
Deux ans plus tôt, en mars 1993, le général français Philippe Morillon, alors commandant des forces de l'ONU en Bosnie, était entré dans l'enclave.
01:10:40
Speaker
Il avait promis aux habitants qu'ils ne seraient jamais abandonnés.
01:10:43
Speaker
Ces mots avaient redonné un peu d'espoir à une population déjà assiégée.
01:10:46
Speaker
Mais cette promesse ne sera jamais tenue.
01:10:49
Speaker
Ce qu'il faut comprendre, c'est que les bosniaques, chassés de leur village depuis 1992, n'a fait souvent qu'une seule échappatoire, rejoindre les enclaves dites protégées par l'ONU.
01:10:59
Speaker
Certains étaient tués sur la route, d'autres parvenaient à atteindre à pied ces zones supposées sûres.
01:11:03
Speaker
Peu à peu, des dizaines de milliers de réfugiés se sont retrouvés entassés dans ces poches isolées.
01:11:08
Speaker
Srebrenica, Djeppa, Corée HD.
01:11:10
Speaker
Srebrenica en particulier est devenu un immense camp à ciel ouvert.
01:11:15
Speaker
Une petite ville d'à peine quelques milliers d'habitants qui abritait en 1995 près de 40 000 personnes.
01:11:21
Speaker
Tous pensaient y être protégés par le drapeau bleu des Nations Unies.
01:11:25
Speaker
Mais c'est précisément cette concentration de réfugiés des armées, piégée dans une enclave sans issue, qui a transformé Srebrenica en théâtre d'un carnage sans précédent.
01:11:34
Speaker
Mettant au point leur solution finale pour le siège, les serbes bloquèrent la plupart des convois d'aide des Nations Unies vers la ville, visant en particulier les livraisons de vivres, de médicaments et même de chaussures.
01:11:45
Speaker
Ils confisquèrent le sel de cuisine et le remplacèrent par du sel industriel pour empoisonner lentement les habitants.
01:11:51
Speaker
Le terme même de zone de sécurité n'était plus qu'une obscénité.
01:11:55
Speaker
Ce 11 juillet, les blindés de Ratkomladic entrent dans la ville.
01:11:59
Speaker
Srebrenica pourtant déclaré zone de sécurité par l'ONU, protégée par des casques bleus néerlandais, est livrée directement à ses bourreaux.
01:12:06
Speaker
Les soldats de l'ONU, sans moyens ni mandat pour se battre, assistent impuissants à la chute de l'enclave.
01:12:11
Speaker
Très vite, l'ordre est donné.
01:12:13
Speaker
Séparer les femmes et les enfants des hommes.
01:12:15
Speaker
Les réfugiés sont poussés sur les routes.
01:12:17
Speaker
Les femmes, les enfants et les vieillards sont entassés dans des bus et expulsés.
01:12:21
Speaker
Les casques bleus néerlandais auraient même donné de l'essence pour ces bus.
01:12:24
Speaker
Mais les hommes et les garçons en âge de porter les armes sont retenus.
01:12:27
Speaker
Alors commence l'indicible.
01:12:30
Speaker
Pendant plusieurs jours, dans les forêts, les entrepôts, les champs, les écoles réquisitionnées, les forces serbes exécutent méthodiquement leurs prisonniers.
01:12:38
Speaker
Des milliers d'hommes et d'adolescents sont alignés, attachés, abattus d'une balle dans la nuque ou criblés de tir.
01:12:44
Speaker
Les corps sont jetés dans des fosses communes, parfois exhumés et déplacés pour effacer l'épreuve.
01:12:49
Speaker
Je ne vais pas vous faire tout le récit des atrocités qui ont pu se dérouler à ce moment-là, vous pouvez les trouver en ligne, mais réellement, c'est insupportable.
01:12:57
Speaker
Environ 8000 disparus en quelques jours.
01:13:00
Speaker
Un massacre planifié, exécuté à froid.
01:13:03
Speaker
Le plus grand crime de masse en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
01:13:07
Speaker
Et le monde regarde sidéré.
01:13:09
Speaker
Les caméras filment les femmes de Srebrenica en larmes, suppliant qu'on leur rende leur mari, leur fils, leur frère.
01:13:15
Speaker
La promesse faite deux ans plus tôt par l'ONU s'effondre dans le sang.
01:13:19
Speaker
Srebrenica, c'est le point de non-retour.
01:13:21
Speaker
C'est l'instant plus personne ne peut croire qu'une négociation suffira.
01:13:25
Speaker
Quelques jours plus tard,

Opération Tempête et répercussions

01:13:26
Speaker
une autre enclave, Jepa, tombe à son tour.
01:13:28
Speaker
Gorajde résiste de justesse.
01:13:31
Speaker
Mais désormais, pour l'Occident, une évidence s'impose.
01:13:34
Speaker
Il faut agir par la force.
01:13:36
Speaker
Les Occidentaux comprennent que les résolutions et les négociations ne suffisent
01:13:39
Speaker
plus.
01:13:39
Speaker
L'OTAN jusque-là prudente se prépare à frapper fort, parce que l'inaction a conduit à un génocide.
01:13:45
Speaker
Après la chute de Srebrenica, une seule voix se fit entendre, refusant d'être complice de la mascarade.
01:13:50
Speaker
Tadeusz Mazowiecki, ancien premier ministre polonais qui avait été nommé par l'ONU responsable des droits de l'homme en ex-Yougoslavie.
01:13:57
Speaker
C'est lui qui avait recommandé l'établissement de zone de sécurité.
01:14:00
Speaker
Dans sa lettre de démission, peu de temps après le massacre, il écrit « On ne peut parler avec crédibilité de défense des droits de l'homme quand on est confronté au manque de constance et de courage affichés par la communauté internationale et ses leaders.
01:14:12
Speaker
Ce sont la stabilité même de l'ordre international et le principe de la civilisation qui sont en jeu dans la question bosniaque.
01:14:19
Speaker
Des crimes ont été commis avec rapidité et brutalité, contrastant avec la lenteur et l'inefficacité de la réaction de la communauté internationale. »
01:14:26
Speaker
Dans le même temps, la Croatie lance son offensive la plus spectaculaire, l'Opération Tempête.
01:14:32
Speaker
Du 4 au 7 août 1995, l'armée croate attaque la Krajina, ce territoire serbe qui occupait un tiers du pays depuis 1991.
01:14:39
Speaker
C'est l'opération militaire la plus vaste de la guerre en ex-Yougoslavie.
01:14:44
Speaker
150 000 soldats croates, soutenus par l'artillerie lourde, déblindés et une aviation modernisée affrontent environ 30 000 combattants serbes désorganisés et démoralisés.
01:14:54
Speaker
En 4 jours, c'est une victoire totale.
01:14:57
Speaker
Klin, la capitale de la république serbe de Krajina, tombe dès le 5 août.
01:15:01
Speaker
Le drapeau croate flotte sur la forteresse de la ville, image symbolique qui fait la une des journaux.
01:15:06
Speaker
Les lignes serbes s'effondrent rapidement, incapables de résister à la puissance de feu croate et à la stratégie d'encerclement.
01:15:13
Speaker
Mais cette victoire militaire s'accompagne d'un nouveau drame humanitaire.
01:15:17
Speaker
Environ 150 000 à 200 000 civils serbes prennent la route de l'exil vers la Bosnie ou la Serbie.
01:15:23
Speaker
Des colonnes interminables de tracteurs, de charrettes et de voitures fuient à travers la campagne dans ce qui restera comme l'un des plus grands exotes de la guerre.
01:15:31
Speaker
Beaucoup de villages serbes sont pillés ou incendiés après le passage de l'armée croate.
01:15:35
Speaker
Des crimes sont documentés, des exécutions sommaires, des maisons détruites, des personnes âgées restées sur place assassinées.
01:15:42
Speaker
Mais pour les croates, c'est la revanche tant attendue.
01:15:44
Speaker
Ils récupèrent un tiers de leur territoire perdu depuis 1991.
01:15:48
Speaker
L'opération est célébrée comme la libération de la Croatie et le 5 août devient une fête nationale, le jour de la victoire et de la patrie.
01:15:57
Speaker
Pour les Serbes, c'est un traumatisme durable, un exode massif, une mémoire de villages vidés, une population déracinée en quelques jours.
01:16:05
Speaker
Sur le plan international, l'opération Tempête est parfois vue comme un tournant militaire décisif.
01:16:10
Speaker
Elle montre que les forces croates, désormais bien entraînées, notamment grâce à des sociétés militaires privées américaines, sont capables de changer l'équilibre des forces dans la région.
01:16:19
Speaker
Cette offensive affaiblit durablement les Serbes de Bosnie, qui perdent leur principal soutien logistique à l'arrière.
01:16:25
Speaker
Elle ouvre aussi la voie aux négociations de paix.
01:16:28
Speaker
En Bosnie, cette offensive change la donne.
01:16:30
Speaker
Les Serbes, prises en étau par les Croates et les Bosniaques, perdent du terrain.
01:16:34
Speaker
Biac est désenclavé.
01:16:36
Speaker
Le 28 août 1995, Sarajevo replonge dans l'horreur.
01:16:40
Speaker
En pleine après-midi, le marché de Markale est à nouveau visé par des obus.
01:16:45
Speaker
37 morts, 90 blessés, des corps étendus sur le sol, des étals détruits, du sang mêlé aux fruits et légumes.
01:16:53
Speaker
Les images font encore une fois le tour du monde.
01:16:56
Speaker
Pour les habitants de Sarajevo, c'est un cauchemar qui se répète.
01:16:59
Speaker
Pour les chancelleries occidentales, c'est la goutte d'eau.
01:17:02
Speaker
Cette fois, il n'y a plus de doute.
01:17:04
Speaker
Les enquêtes confirment que les tirs venaient des positions serbes.
01:17:07
Speaker
Karadzic et Mladic ont franchi une nouvelle ligne rouge.
01:17:10
Speaker
Et pour la première fois depuis 4 ans, les grandes puissances décident de répondre avec une force massive.
01:17:16
Speaker
Le 30 août, l'OTAN déclenche l'opération « Deliberate Force ».
01:17:20
Speaker
C'est une campagne de bombardement aérien sans précédent dans les Balkans.
01:17:24
Speaker
Pendant trois semaines, chasseurs et bombardiers frappent jour et nuit les positions de l'armée serbe de Bosnie.
01:17:30
Speaker
Ponts stratégiques, dépôts de munitions, batteries d'artillerie, radars, centres de communication, tout est ciblé.
01:17:35
Speaker
Les frappes sont chirurgicales mais implacables.
01:17:38
Speaker
Plus de 3500 sorties aériennes sont menées par l'OTAN avec un rôle moteur des américains mais aussi des françaises et des britanniques.
01:17:46
Speaker
A Palais, la capitale des serbes de Bosnie, les centres de commandement sont réduits au silence.
01:17:51
Speaker
Dans les montagnes autour de Sarajevo, les canons qui bombardaient la ville depuis 3 ans sont détruits un à un.
01:17:57
Speaker
Sur le terrain, l'impact est immédiat.
01:18:00
Speaker
L'armée serbe de Bosnie, jusque sûre de sa supériorité, vacille.
01:18:03
Speaker
Privée de logistique, coupée de ses communications, elle perd son avantage.
01:18:07
Speaker
Et au même moment, les troupes croates et bosniaques désormais alliées lancent une offensive terrestre coordonnée.
01:18:13
Speaker
En septembre et octobre, elles reprennent de vastes territoires en Bosnie occidentale et progressent même jusqu'aux abords de Banyaluka, la grande ville serbe de Bosnie.
01:18:22
Speaker
C'est le renversement total du rapport de force.
01:18:24
Speaker
En quelques semaines,

Négociations de paix menées par les États-Unis

01:18:26
Speaker
les Serbes passent du statut de maître du terrain à celui de vaincu en puissance.
01:18:30
Speaker
Pour Milosevic, Karadzic et Mladic, le message est clair, la guerre ne pourra plus être gagnée par les armes.
01:18:37
Speaker
Dès l'été 1995, alors que les lignes de front bougent enfin et que les Serbes reculent, une autre bataille se joue, cette fois sur le terrain diplomatique.
01:18:44
Speaker
Washington décide de reprendre la main.
01:18:47
Speaker
L'administration Clinton ne veut plus laisser l'Europe gérer seul le dossier.
01:18:50
Speaker
Trop de divisions, trop d'attermoiements.
01:18:52
Speaker
Désormais, ce sont les américains qui vont dicter le tempo.
01:18:55
Speaker
Et l'homme de cette nouvelle stratégie, c'est Richard Holbrooke, le médiateur américain qui est officiellement secrétaire d'état adjoint aux affaires européennes et eurasiennes.
01:19:04
Speaker
Diplomate direct, parfois brutal, il impose une méthode inédite.
01:19:08
Speaker
multiplier les voyages dans les Balkans, rencontrer tous les chefs de guerre et les confronter à la réalité.
01:19:13
Speaker
A Belgrade, il s'assoit en face de Milosevic, mais aussi de Karadzic et de Mladic.
01:19:18
Speaker
Les discussions sont tendues, presque surréalistes.
01:19:20
Speaker
Holbrooke doit négocier avec des hommes qui, quelques jours plus tôt, donnaient des ordres de bombardement sur Sarajevo ou supervisaient des massacres.
01:19:27
Speaker
Karadzic se présente comme un homme politique incompris, Mladic comme un patriote qui défend son peuple, mais ils n'ont aucune intention de céder et encore moins de reconnaître les atrocités commises par leurs troupes.
01:19:38
Speaker
Quelques jours seulement après Srebrenica, le 25 juillet 1995, le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie inculpe officiellement Radovan Karadzic et Radko Mladic.
01:19:49
Speaker
Les chefs d'accusation sont déjà très lourds.
01:19:51
Speaker
Crimes de guerre, crimes contre l'humanité et même génocide, mais pour les campagnes de nettoyage ethnique menées dès 1992 en Bosnie orientale et à Priédor.
01:20:00
Speaker
Ce n'est qu'un peu plus tard, en novembre 1995, qu'un nouvel acte d'accusation viendra ajouter le génocide de Srebrenica à leur dossier.
01:20:06
Speaker
A partir de ce moment, les américains et les européens ne peuvent plus les traiter comme des partenaires légitimes.
01:20:12
Speaker
Holbrooke tranche, il ne parlera plus avec eux.
01:20:15
Speaker
Désormais,

Accords de Dayton et divisions ethniques

01:20:16
Speaker
il n'y a qu'un seul interlocuteur côté serbe, c'est Slobodan Milošević.
01:20:20
Speaker
C'est lui qui, depuis Belgrade, arme, finance et contrôle les serbes de Bosnie même s'il s'en défend.
01:20:25
Speaker
Holbrooke et son équipe font ainsi des allers-retours incessants entre Belgrade, Zagreb et Sarajevo, testant les lignes rouges de chacun.
01:20:32
Speaker
Les bosniaques exigent la survie d'un état unique.
01:20:35
Speaker
Les Serbes veulent conserver leur conquête territoriale.
01:20:38
Speaker
Les Croates cherchent eux à sauver leurs gains en Herzégovine et à sécuriser la Kraïna reconquise.
01:20:43
Speaker
A chaque fois, Holbrooke utilise la même méthode, pression, menaces de sanctions, promesses d'aides économiques et surtout l'argument des bombardements de l'OTAN qui peuvent reprendre à tout moment.
01:20:53
Speaker
A l'automne 1995, la guerre a atteint un tournant.
01:20:56
Speaker
Les offensives croates et bosniaques soutenues par les frappes de l'OTAN ont affaibli les Serbes de Bosnie.
01:21:01
Speaker
La communauté internationale comprend que le moment est venu de forcer une paix et ce sont les américains qui prennent les choses en main.
01:21:06
Speaker
Mais Holbrooke comprend vite que dans les Balkans, aucune discussion ne peut aboutir dans un cadre classique.
01:21:12
Speaker
Avec Clinton, leur vient l'idée de couper les négociateurs de leur capitale et les enfermer dans un huis clos total.
01:21:18
Speaker
Ce sera Dayton, sur la base aérienne de Wright-Patterson dans l'Ohio.
01:21:23
Speaker
Un lieu clos, entouré de barbelés rien ne filtre vers l'extérieur.
01:21:27
Speaker
Pendant trois semaines, de novembre à décembre 1995, la base devient le centre du monde.
01:21:31
Speaker
Trois délégations s'y retrouvent.
01:21:33
Speaker
Slobodan Milošević, qui représente les Serbes de Bosnie à la place de Karadzic et Mladic, exclu des négociations car déjà considéré comme criminel de guerre.
01:21:41
Speaker
Franjo Tudjman, président de la Croatie.
01:21:43
Speaker
Et Alia Izetbegovic, président de la Bosnie-Herzégovine.
01:21:46
Speaker
Holbrooke et ses équipes mettent une pression constante.
01:21:49
Speaker
Les délégations n'ont pas le droit de quitter la base.
01:21:51
Speaker
Chaque jour, les cartes de la Bosnie sont redessinées, discutées, rejetées puis retravaillées.
01:21:56
Speaker
Les nuits sont longues, les débats tendus, parfois violents.
01:21:58
Speaker
Les bosniaques refusent tout plan qui enterrinerait trop de pertes territoriales.
01:22:02
Speaker
Les croates veulent sécuriser leurs acquis en Herzégovine.
01:22:05
Speaker
Les serbes eux cherchent à conserver au maximum les territoires conquis par la guerre.
01:22:09
Speaker
Et Milosevic, lui il joue sa partition à la perfection.
01:22:13
Speaker
Il se présente comme un homme raisonnable, un interlocuteur fiable, presque un artisan de la paix.
01:22:18
Speaker
Il négocie sans relâche, plaisante parfois avec ses interlocuteurs, occupe le terrain.
01:22:22
Speaker
Les diplomates occidentaux, pressés d'obtenir un accord, finissent par le voir comme l'homme du compromis.
01:22:27
Speaker
Pourtant c'est lui qui, depuis Belgrade, avait alimenté la guerre en soutenant les serbes de Bosnie.
01:22:32
Speaker
Et c'est tout le cynisme de Dayton.
01:22:34
Speaker
Celui qui a alimenté les flammes de la guerre se présente comme celui qui l'éteint.
01:22:38
Speaker
Finalement, un accord est trouvé.
01:22:40
Speaker
Le 21 novembre 1995, les partis parafflent le texte à Dayton.
01:22:46
Speaker
Il sera officiellement signé le 14 décembre à Paris.
01:22:48
Speaker
Les accords de Dayton mettent fin à la guerre de Bosnie.
01:22:52
Speaker
La Bosnie-Herzégovine reste un état unique en droit international, mais en réalité, elle est divisée en deux entités.
01:22:58
Speaker
La fédération croato-bosniaque, qui regroupe donc les croates et les bosniaques, et la républiquia srubska, dominée donc par les serbes.
01:23:05
Speaker
Le territoire est partagé selon une clé 51%, 49% en faveur de la fédération.
01:23:11
Speaker
Quant à certaines questions, elles restent trop explosives pour être tranchées.
01:23:14
Speaker
Celle de Börčko notamment, ville stratégique au nord de la Bosnie qui relie les territoires serbes et renvoyait à un arbitrage international.
01:23:21
Speaker
Ce n'est qu'en 99 qu'elle deviendra un district autonome placé directement sous l'autorité de l'état central.
01:23:28
Speaker
Finalement, à Dayton, on a refait ce que les grandes puissances faisaient déjà au 19ème siècle.
01:23:33
Speaker
Découper les Balkans sur une carte comme on l'avait fait au congrès de Berlin en 1878.
01:23:37
Speaker
Sans vraiment consulter les peuples qui allaient devoir vivre avec ces frontières.
01:23:41
Speaker
Trois hommes, Milosevic, Tudjman et Izetbegovic, enfermés dans une base militaire américaine, entourés de diplomates qui jouaient aux architectes de la paix comme s'ils déplaçaient des pions sur un échiquier.
01:23:52
Speaker
Le cynisme est total.
01:23:54
Speaker
On raconte que les négociations se poursuivaient jusque tard dans la nuit, dans une atmosphère l'alcool circulait abondamment.
01:23:59
Speaker
Des décisions historiques, qui allaient marquer des générations entières, se prenaient parfois autour de verre, dans un climat de fatigue, de pression et de rapports de forces brutaux.
01:24:09
Speaker
Et surtout, rien n'a été fait pour réconcilier les peuples.
01:24:12
Speaker
Après la Seconde Guerre mondiale, la France et l'Allemagne avaient mis des décennies à bâtir une paix durable, en multipliant les échanges, les coopérations, les projets communs.
01:24:20
Speaker
En ex-Yougoslavie, rien de tel.
01:24:22
Speaker
Dayton a figé les divisions.
01:24:24
Speaker
Une Bosnie coupée en deux entités qui se regardent encore en chien de faïence, une Croatie marquée par l'exode des Serbes, une Serbie qui nie toujours sa responsabilité.
01:24:32
Speaker
Les haines attisées pendant la guerre n'ont jamais été apaisées par un véritable travail de mémoire et de réconciliation.
01:24:40
Speaker
30 ans plus tard, on en voit encore les conséquences.
01:24:42
Speaker
Les peuples des Balkans continuent de se méfier les uns des autres.
01:24:45
Speaker
Prisonniers d'accord qui ont mis fin à la guerre mais qui n'ont jamais construit la paix.
01:24:49
Speaker
Pour garantir la paix, une force internationale de 60 000 hommes, qu'on appelle l'IFOR, l'Implementation Force, qui succède à la FORPRO-NU est déployée sous commandement de l'OTAN.
01:24:58
Speaker
C'est l'assurance que, cette fois, les accords ne resteront pas lettres mortes.
01:25:02
Speaker
Elle sera remplacée en 1996 par la S-4, puis à partir de 2004 par l'EU4-ALTEA, une force opérationnelle conduite par l'Union Européenne.
01:25:10
Speaker
Dayton est donc à la fois une fin et un début.
01:25:13
Speaker
La fin de la guerre qui a fait plus de 100 000 morts et déplacé des millions de personnes.
01:25:18
Speaker
Mais aussi le début d'un système politique complètement bancal, figé dans la division ethnique.
01:25:24
Speaker
Un compromis imposé

Conséquences et tensions persistantes après la guerre

01:25:25
Speaker
de l'extérieur qui garantira la paix, mais une paix fragile, lourde de tensions pour l'avenir.
01:25:30
Speaker
Sarajevo a siégé pendant près de 4 ans et réunifié, mais beaucoup de plaies restent ouvertes.
01:25:35
Speaker
Ce qu'il est bon de rappeler, c'est que même au cœur de ces années d'horreur, Sarajevo n'a jamais cessé de vivre.
01:25:41
Speaker
Sous les bombes, les habitants organisaient des concerts improvisés, des représentations théâtrales, des expositions clandestines.
01:25:47
Speaker
Des groupes de rock jouaient dans des caves transformées en salles de concert, preuve que la culture pouvait être une arme de résistance.
01:25:54
Speaker
En 1995, alors que la ville est encore assiégée, se tient même la première édition du Sarajevo Film Festival.
01:25:59
Speaker
Plus de 15 000 spectateurs viennent assister aux projections, défiant la guerre pour se rassembler autour des films.
01:26:05
Speaker
Cette créativité au milieu du chaos a marqué durablement l'identité de la ville.
01:26:09
Speaker
Sarajevo n'était pas seulement une cité martyr, c'était aussi une capitale de culture et de résistance.
01:26:15
Speaker
On estime à plus de 100 000 donc le nombre de personnes tuées.
01:26:20
Speaker
2 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population sont forcées de quitter leur maison.
01:26:24
Speaker
En outre, on estime que 12 000 à 50 000 femmes ont été violées, principalement par les forces serbes, mais pas seulement.
01:26:32
Speaker
La majorité des victimes étant des femmes bosniaques.
01:26:34
Speaker
Le siège de Sarajevo quant à lui aura duré 1425 jours.
01:26:38
Speaker
Durant cette période, 13 952 personnes sont tuées, 70 000 personnes blessées et 35 000 bâtiments détruits.
01:26:47
Speaker
1995, c'est donc une année paradoxale.
01:26:50
Speaker
L'année des pires massacres est aussi celle qui met fin à la guerre.
01:26:53
Speaker
Srebrenica restera à jamais une blessure, une preuve des limites tragiques de la communauté internationale.
01:26:59
Speaker
Mais la contre-offensive croate, les bombardements de l'OTAN et la diplomatie américaine forcent les belligérants à accepter une paix fragile.
01:27:07
Speaker
La Yougoslavie telle qu'on la connaissait n'existe plus.
01:27:10
Speaker
La Bosnie sort exsangue de la guerre, partagée en deux entités ennemies.
01:27:14
Speaker
La Croatie est indépendante, mais marquée par l'exode des Serbes.
01:27:18
Speaker
La Serbie, elle, a perdu beaucoup.
01:27:20
Speaker
Mais Milosevic se présente encore comme un négociateur de paix.
01:27:24
Speaker
1995 clôt un chapitre sanglant mais tout n'est pas fini.
01:27:28
Speaker
Au sud, une autre poudrière continue de couver, le Kosovo.
01:27:36
Speaker
Ce qui est frappant lorsque l'on s'intéresse à ces années de guerre en ex-Yougoslavie, c'est l'incroyable lâcheté et surtout la faillite de ce qu'on appelle la communauté internationale.
01:27:45
Speaker
Une faillite politique, militaire et morale.
01:27:48
Speaker
Dès 1991, quand la Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance, l'Europe tergiverse.
01:27:53
Speaker
L'Allemagne reconnaît unilatéralement les nouveaux états, pendant que la France et le Royaume-Uni freinent espérant sauver une fédération déjà morte.
01:28:01
Speaker
Résultat, cacophonie et impuissance.
01:28:03
Speaker
En Croatie, l'ONU impose un embargo sur les armes censé calmer le jeu.
01:28:08
Speaker
Dans les faits, il empêche les Croates et bientôt les Bosniacs de se défendre alors que les Serbes disposent de tout l'arsenal de l'armée fédérale.
01:28:15
Speaker
L'ONU déploie des casques bleus mais sans mandat offensif, ils observent, ils comptent les obus, mais ils n'empêchent ni les bombardements ni les nettoyages ethniques.
01:28:23
Speaker
En Bosnie, c'est encore pire.
01:28:25
Speaker
Des zones de sécurité sont proclamées à Sarajevo, Srebrenica, Goraz de Biac mais elles ne sont jamais réellement protégées.
01:28:32
Speaker
Les civils croient trouver refuge et finissent pris au piège.
01:28:35
Speaker
A Sarajevo, les habitants ont vécu 4 ans sous les tirs des snipers avec des casques bleus qui regardaient impuissants.
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Speaker
A Srebrenica en 1995,
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Speaker
L'ONU avait promis une protection, mais ces soldats ont assisté à l'exécution de plus de 8000 hommes et adolescents, sans parler des milliers de femmes violées.
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Speaker
Et tout cela, c'était pas une surprise.
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Speaker
Les rapports existaient, les diplomates savaient, les ONG alertaient, les journalistes décrivaient.
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Speaker
Mais les grandes puissances ont préféré attendre et discuter.
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Speaker
Attendre que le rapport de force change, attendre que l'OTAN prenne le relais, attendre que la guerre s'épuise d'elle-même.
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Speaker
On a multiplié les conférences, les plans de paix, les médiateurs, Carrington, Vence, Owens, Tottenberg, Holbrooke, des noms qui s'enchaînent mais dont aucun n'a empêché les massacres.
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Speaker
Chaque fois les agresseurs obtenaient du temps et chaque fois les victimes perdaient un peu plus d'espoir.
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Speaker
Il a fallu attendre les pires atrocités, les pires humiliations, Marca les Goraz de Srebrenica, pour que l'OTAN finisse par agir en 1995 par des frappes massives.
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Speaker
Mais à ce moment-là, des dizaines de milliers de morts jonchaient déjà le sol des Balkans.
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Speaker
Et au milieu de tout ça, l'Europe a révélé son impuissance et son incompétence.
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Speaker
Elle se veut une union politique, mais elle n'a montré que des divisions.
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Speaker
Elle se rêve en puissance diplomatique, mais elle n'a fait que réagir, toujours trop tard.
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Speaker
Elle prétend incarner des valeurs, mais face à la guerre en son propre continent, elle n'a été qu'un spectateur.
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Speaker
Au fond, l'Union européenne a prouvé qu'elle n'était qu'une coalition d'intérêts économiques,
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Speaker
Capable de s'accorder sur le marché économique, mais incapable de protéger des populations civiles massacrées à ses portes.
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Speaker
Alors oui, on peut dire que la communauté internationale a été lâche.
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Speaker
Non pas parce qu'elle n'avait pas les moyens, mais parce qu'elle n'a pas eu la volonté.
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Speaker
Elle avait les troupes, elle avait l'armement, elle avait l'influence, mais elle n'a pas eu le courage politique d'intervenir à temps.
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Speaker
Elle a préféré fermer les yeux, parler de guerre civile, mettre toutes les responsabilités sur le même plan.
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Speaker
Et c'est cette lâcheté, ce refus d'agir quand il le fallait, qui restera comme l'une des plus grandes tâches morales de la fin du XXe siècle.
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Speaker
Et le pire, c'est que cela continue, un peu partout dans le monde.
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Speaker
Du fait de dictateurs qui, en leur nom, souhaitent élargir leurs frontières.
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Speaker
Mais au prix de quoi?
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Speaker
De massacres, de villages brûlés, de générations entières marquées par la guerre?
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Speaker
Et ces dictateurs, il faut bien les nommer.
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Speaker
Slobodan Milosevic.
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Speaker
Radovan Karadzic, Ratko Mladic.
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Speaker
Trois hommes qui ont construit leur pouvoir sur la peur.
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Speaker
Peur que les serbes soient attaqués.
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Speaker
Peur d'être minoritaires, peur d'être effacés.
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Speaker
Une paranoïa entretenue par leur propagande jusqu'à convaincre qu'il fallait se défendre en massacrant les autres.
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Speaker
Ce nationalisme nourri de mythes et de rancunes a fini par détruire tout ce qu'ils prétendaient protéger.
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Speaker
Ils voulaient être une grande Serbie.
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Speaker
Ils ont laissé derrière eux un pays exsangue, isolé, brisé.
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Speaker
Ils disaient défendre leur peuple?
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Speaker
Ils l'ont mené au désastre.
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Speaker
Et le pire, c'est qu'ils n'assument même pas.
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Speaker
Ils n'ont jamais reconnu leur crime.
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Speaker
Ce sont des lâches, ce sont des sous-hommes qui ont tout perdu et laissé aux générations futures une cicatrice impossible à effacer aujourd'hui.
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Speaker
Après tout ce récit, on peut revenir sur ma question posée dans mon introduction.
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Speaker
Est-ce qu'il s'agit d'une guerre ethnique, civile ou même de religion comme l'ont supposé les médias à l'époque?
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Speaker
Et bien aucune des trois.
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Speaker
Pour moi et pour de nombreux historiens, il s'agit avant tout d'une guerre de territoire attisée par des ambitions nationalistes.
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Speaker
D'un côté Slobodan Milošević qui voulait réunir tous les serbes et dominer une nouvelle grande Yugoslavie.
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Speaker
De l'autre, Fraño Tudjman qui en se défendant face aux attaques a fini lui aussi par devenir un agresseur rêvant d'annexer une partie de la Bosnie.
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Speaker
Les uns comme les autres
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Speaker
ont sacrifié des centaines de milliers de vies pour des frontières dessinées au nom d'un fantasme.
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Speaker
Il est très facile de le dire plus de 30 ans après, mais ce conflit a aussi révélé le pire de ce que l'Occident peut faire face à une tragédie.
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Speaker
Attendre, tergiverser, espérer que la guerre s'épuise d'elle-même.
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Speaker
Puis quand le sang a déjà coulé, envoyer des technocrates qui connaissent rien à la région bricoler un accord.
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Speaker
Et cet accord, les accords Dayton, certes mis fin à la guerre, mais il a figé les divisions.
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Speaker
Une solution bancale qui atteint aujourd'hui ses limites.
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Speaker
Le spectre d'un nouveau conflit en Bosnie n'est pas un fantasme, il est réel, il pourrait éclater plus tôt qu'on ne le pense.
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Speaker
Alors ce conflit, est-ce qu'il aurait pu être évité sans ingérence?
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Speaker
Difficile à dire.
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Speaker
Peut-être que dans un univers parallèle, la Yougoslavie existe encore aujourd'hui.
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Speaker
Mais dans notre monde, c'est une tragédie qui reste comme un avertissement.
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Speaker
Car l'Europe de la fin des années 80 et du début des années 90 n'est pas si différente de celle d'aujourd'hui.
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Speaker
Le conflit israélo-palestinien est toujours là.
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Speaker
On assiste même en direct à un nouveau génocide après celui de Srebrenica en 1995 sans que la communauté internationale ne réagisse.
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Speaker
Vladimir Poutine a déclenché une guerre de territoire en Ukraine avec le projet de faire renaître une grande Russie.
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Speaker
Et que fait l'Union européenne?
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Speaker
Elle se montre encore une nouvelle fois faible, paralysée, divisée.
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Speaker
incapables d'agir autrement qu'à travers des sanctions économiques.
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Speaker
Quant aux Etats-Unis, leur politique étrangère reste imprévisible, difficile de savoir veut vraiment aller Donald Trump, sinon dans une logique d'enrichissement personnel et de clientélisme.
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Speaker
La seule chose qui a changé en 30 ans, c'est que d'autres puissances s'affirment sur la scène internationale et eux aussi ont leur lot de conflits.
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Speaker
La Chine, l'Inde, la Turquie, les pays du Golfe jouent désormais leur partition.
01:33:43
Speaker
L'Occident et l'OTAN ne dominent plus le monde comme ils le faisaient.
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Speaker
Mais une chose n'a pas changé, la lâcheté de la communauté internationale face aux dictateurs.
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Speaker
Et tant que cette lâcheté perdurera, les peuples continueront de payer le prix du sang.
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Speaker
Voilà donc qui conclut cette vidéo sur l'histoire des guerres de Yougoslavie, en tout cas les guerres de Slovénie, de Croatie et de Bosnie.
01:34:05
Speaker
J'espère que cette vidéo vous aura plu.
01:34:06
Speaker
J'ai essayé au maximum de raconter ce qui s'est passé sans prendre de pincettes.
01:34:11
Speaker
Surtout sans prendre parti pour un pays ou pour un autre, bien que les faits soient têtus et que certains comps portent une responsabilité écrasante dans les crimes commis.
01:34:18
Speaker
Un dernier mot, ce sujet il est encore sensible aujourd'hui.
01:34:21
Speaker
Je vous demande donc d'être respectueux dans les commentaires, de débattre sans haine, sans insultes.
01:34:25
Speaker
On parle ici d'histoire, on parle pas d'un terrain pour rallumer les conflits.
01:34:29
Speaker
Si vous avez un autre point de vue, n'hésitez pas à en discuter dans les commentaires, dans le respect.
01:34:33
Speaker
Tous les messages insultants ou dénigrants seront bien entendu supprimés.
01:34:36
Speaker
Cette vidéo complète donc ma première vidéo sur l'histoire de la Yougoslavie, que vous pouvez retrouver sur ma chaîne.
01:34:42
Speaker
Et normalement, une troisième vidéo devrait arriver un peu plus rapidement, j'espère, pour terminer l'histoire des conflits dans la région des Balkans.
01:34:49
Speaker
Je vais essayer aussi de vous proposer de nouveaux contenus un peu plus rapidement ces prochains mois, mais j'ai surtout besoin de votre soutien.
01:34:55
Speaker
Alors si cette vidéo vous a plu, n'hésitez pas à la partager autour de vous, à liker, à me laisser un commentaire, et surtout à suivre la chaîne.
01:35:02
Speaker
Ça coûte rien, mais ça m'encourage grandement à continuer ce genre de contenu.
01:35:06
Speaker
A très vite.